dimanche 7 septembre 2014

Afrique : quand l’histoire nous rattrape et prend le visage de la fatalité

Opera illorum secuntur illos, leurs œuvres les suivent. L’affirmation est de Jean, l’évangéliste. Phénomène apparu dans l’histoire de l’univers, les hommes sont dans les modes d’existence les plus divers, ce que leur passé a fait d’eux. Selon le niveau et la qualité de leur participation de leur accouchement par l’histoire, les hommes jouent les premiers ou les seconds rôles dans le devenir historique des sociétés qu’ils forment. Un concours de circonstances défavorables né principalement du milieu écologique fabriqua à l’Afrique noire une histoire plus que celle d’aucun autre groupe humain, propice à la formation de sociétés et de civilisations où la puissance de l’esprit a peu de chances de se déployer. Avant même la tragédie de la traite des noirs qui bouleverse ses sociétés, où nombre de valeurs sont retournées en leur contraire, ou jetées dans une confusion qui ne permet plus d’en vivre vraiment, l’Afrique noire allait devenir un continent sans grande ambition. Les hommes qu’elle produit, consciences étriquées ayant une vision courte. Ils ne se préoccupent de l’immédiat, incapable de projection. Le bas niveau de l’organisation politique dont l’élévation est impossible sans cet instrument  du progrès qu’est l’écriture alphabétique et consonantique qui, en fixant la parole, fugace, par essence, et la pensée, donne la possibilité d’y revenir à loisir pour ajouter, retrancher, améliorer. Le progrès de l’esprit humain est impossible sans l’écriture.

L’existence en Afrique de sociétés fortement organisées grâce à l’écriture, eut probablement rendu impossible la traite des noirs. Cette véritable boite de Pandore d’où allaient sortir tous les maux dont ce continent souffre aujourd’hui, le premier étant le défaut de volonté de conscience qui engendre le défaut de décourage pour affronter le réel. Quatre cent ans de violences continuées, il n’en fallait pas plus pour briser les ressorts psychologiques du génie des peuples qui avaient bu au torrent de l’horreur. A la lâcheté, à la fourberie des dirigeants politiques, la colonisation vint ajouter la chosification de l’homme noir. A grands renforts idéologiques, l’homme blanc lui inculqua le mépris de sa propre personne, sur tous les plans, inférieur au blanc : du corps physique aux dispositions intellectuelles et morales le Blanc est supérieur au Noir . 

Cinq cent ans de brigandage avaient suffi à l’Occident pour faire du Noir un être de dérision, le bouffon et le portefaix de l’histoire, qui n’existe désormais que par la volonté de l’homme Blanc. Et puisqu’il n’a pas d’âme ni de conscience, il ne peut vivre qu’en empruntant au Blanc. Voila comment depuis, la société et la civilisation du continent noir, sont devenus des sociétés et des civilisations de singes. L’Afrique singe l’Occident, son maitre qui l’a dressé à le singer. Et c’est là le drame de l’Afrique, n’être plus capable que d’imitation. Or, celui qui imite, plus exactement celui qui singe au lieu de simplement s’inspirer du modèle, apporte la preuve de la pauvreté de sa personnalité. La preuve de l’existence en lui d’un génie personnel, d’une réelle capacité créatrice. L’imitation assume une fonction pédagogique si elle se donne pour fin d’amener l’élève à prendre conscience de son talent personnel. A se réveiller à ses valeurs dormantes, à se détacher, pour finir, du modèle. Pour comble de malheur, l’Afrique n’a imité de son maitre que sa brutalité et sa violence, laissant de son côté le versant positif et humain de son génie, qui est loin d’âtre de bout en bout barbare. Mais il est vrai que le mal est plus facile à imiter que le bien et la vertu. 

La colonisation qui fut le prolongement des horreurs et des brutalités de la traite des noirs abolie ne vint pas civiliser l’Afrique selon ses promesses. Elle décupla le coefficient de violence de l’Ame nègre déjà exacerbé par la violence et la brutalité des esclavagistes. De sorte que, de l’héritage et du patrimoine historique et spirituel de l’Afrique, la violence apparait un des traits les plus marquants. Une certaine violence étant certes nécessaire dans l’exercice et la gestion du pouvoir (le monopole de violence légitime), les politiques aux manettes de l’administration de l’Etat en usent plus que de raison.


Et puisque l’usage imbécile de la violence abrutit, il n’est pas étonnant que ces hommes-là soient des esprits étriqués et violents, peu accessibles à la compassion qui devrait pourtant justifier toute vocation politique. L’échec des démocraties africaines trouve son explication dans l’esprit fruste et peu généreux des dirigeants politiques. Ceux-ci sont le résultat logique d’une histoire sans rupture, violente de bout en bout de la traite des nègres à la colonisation.

Dominique Ngoïe-Ngalla.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.