lundi 16 juin 2014

Opposition congolaise: entre faiblesses morales et médiocrité politique

Tout au long de l’histoire, jusqu’il y a peu en tout cas, les crises sociales ou politiques mettant gravement l’existence, la bonne marche ou l’intégrité de l’Etat ou d’une entité y ressemblant, étaient l’occasion de l’émergence de grands hommes. Des hommes à la stature de géant, dont le génie, le courage et la détermination étaient à eux seuls capables d’imprimer un tour différent à une situation qui menait fatalement le pays au chaos. Ainsi, près de nous, Mandela, Martin Luther King, Gandhi, De Gaulle, Churchill. 

Or en ce qui concerne le Congo, depuis bientôt deux décennies empêtré dans la pire phase de son histoire, malgré les promesses de « nouvelle espérance » et de « chemin d’avenir », le grand homme se fait toujours attendre. Malgré des conditions d’existence qui, plus que jamais exposent au vif de la vie, de sorte que le courage, le dépassement de soi, l’abnégation sont plus que nécessaires pour les congolais pris entre l’étau d’un régime douteusement républicain et des conditions sociales misérables. Tout est donc réuni pour que dans les cœurs épris de compassion naisse un sentiment de révolte contre les causes du mal-être. C’est en effet de lassitude et de révolte qu’à travers l’histoire des hommes de haute stature se sont dressés contre l’injustice et l’oppression. Mais la révolte seule ne suffit pas, encore faut-il être courageux. Courageux, non pas parce que oubliant la peur, mais courageux parce que oubliant son propre égoïsme, mère de toute mesquinerie ; courageux parce que point effrayé de s’engager dans une aventure éthique exigeante. Cynthia Fleury n’est pas loin, qui dit qu’il n’y a pas de courage politique sans courage moral. La recherche du bien-être de tous est bien une aventure éthique, car constamment aux prises avec la recherche du bien être de soi qu’on ne perd presque jamais de vue, mais que parviennent à réduire ceux-là ayant une conscience profonde qu’il exige inévitablement celui de tous.

Seulement exigence, rigueur envers soi-même sont antinomiques avec l’illusion de liberté des congolais buvant bières et usant femmes à volonté. Incapables de détachement car esclaves de leurs sens, toute tentative d’ascèse est vite escamotée. C’est à croire que comme pour les lois de la physique une impérieuse pesanteur leur défend de s’élever sans jamais retomber lourdement et de s’enfoncer plus bas que terre. Malgré une misère évidente et des conditions de vie médiocres pour l’essentiel des habitants de ce pays qui se range en 2013 au 142ème rang de l’IDH (Indice du Développement Humain) sur 182 et un blocage des mécanismes de développement et du progrès par l’égoïsme de politiques gloutons, l’homme, même lorsqu’il est bardé de diplômes, y parait sans gravité, béat et inconsistant. Le tragique de la vie auquel il goute quotidiennement – même par ricochet - dans ce pays où sentir les atrocités de l’existence n’attend pas la perte d’un être cher, une guerre ou une catastrophe naturelle, ne l’affecte pas. L’esprit ayant depuis sonné la retraite a laissé la primauté à l’instinctif et au biologique, qui règnent sans partage sur l’homme congolais. Non pas que les congolais en soient restés au biologique, mais à en juger selon leur comportement, il semble que chez eux, l’esprit se soit très peu démarqué de l’égoïsme et de la dictature des pulsions, de sorte qu’il est exagéré de les dire civilisés.

Une élite qui ne l’est que de nom, totalement inculte, car même finement lettrés, la fréquentation utilitariste d’œuvres par lesquelles l’homme saisit l’universel de sa condition n’a pas fait germer en eux ce désir d’humanité ou de civilité humaine. Pour preuve l’absence de lieux d’expression de la culture congolaise (théâtres, musées, ballets, etc.) qui permettent de saisir l’apport spécifiquement congolais à l’expression de notre condition commune et qui permettent surtout à l’âme de se recueillir. Tout ce qui y tient lieu de culture – essentiellement la musique urbaine – flatte plus les instincts les plus bas qu’il ne pousse à s’interroger sur le sens de la vie pourtant pénible de ces pauvres diables. Rien de plus normal dira-t-on, si les arts sont aussi l’expression esthétique d’un contexte et d’aspirations sociaux, pourquoi y rechercher du sérieux, du tragique, de l’esprit quand les valeurs dominantes du Congo les rejettent ? Partout une dégradation croissante de la moralité et une déficience grandissante de la pensée, le primat de l’instinct et du biologique qu’on ne combat que quand l’esprit a barre sur la personne.

Il est difficile dans une société où sont réunies, comme si elles avaient été empilées par un savant complot, les conditions de la mort de l’esprit qui, hormis la raison, est aspiration à l’amour, à la justice, à la vérité, à la beauté, que surgisse un homme qui soit digne de cette noble qualité, en reconnaissance de laquelle les asiatiques ayant un sens profond du sacré font une belle révérence en guise de salut, si par une rigoureuse discipline et un patient travail sur soi on n’élève pas les valeurs spirituelles et l’intérêt de tous au-dessus des valeurs matérielles et individualistes. La nature du combat l’exige ! Ce genre d’homme contrasterait violemment avec nos opposants, experts en compromissions honteuses et rétifs à définir une ligne de démarcation claire entre eux et leurs adversaires à qui ils ressemblent étrangement. Cette ressemblance est forcément la raison de la mollesse de leur combat. Sans objectif clair, sans adversaire clairement déterminé, leur combat n’a jamais eu ne fût-ce qu’un semblant d’efficacité. Comment dans de telles dispositions, ceux qu’ils combattent ne continueraient ils pas leur travail de sape des acquis et de l’avenir des congolais, quand ils ont pour adversaire des hommes sans convictions, qu’ils peuvent apprivoiser à souhait grâce à leurs puissants hochets ? Tels les dieux facétieux de la mythologie grecque, ils se jouent et du destin de nos diables d’opposants et, plus grave, du peuple tout entier. C’est un Prométhée qu’il nous faut pour arrêter ces dieux noceurs et capricieux. Nos héros de pauvre facture n’ont en pas le courage. Comment feraient-ils sans cette fermeté qui fait les saints et les héros ? Cette fermeté qui est dans un premier temps combat contre ses propres démons, ceux de notre chair et ceux de notre égoïsme. Ce combat où brulent générosité et grandeur, et qui font préférer la félicité de tous au détriment des promesses plus alléchantes de puissance, de possessions, de jouissances de tout ordre. Ainsi seulement seraient-ils capables d’insuffler une autre dynamique : la correction des mœurs et des valeurs n’est-elle pas déjà un grand pas vers la citoyenneté ?

L’opposant congolais, conscience sociale et politique aiguisé par tant de souffrances infligées par d’autres congolais, mènera un beau combat lorsque moins fruste, il se sera frotté à la culture, afin que poli comme une pierre de valeur, brillent sur son front la générosité et le courage qui changeront son cirque au digne rang de politique. Pour l’instant, il conjugue fort bien faiblesses morales et absence de sens politique. Inquiétant !


Excusez-moi, Messieurs de l’opposition, mais vociférer, tenir conciliabule pour dire tout le bien que vous pensez des hommes forts du Congo, n’est pas ce qu’on attend de vous. Une bonne stratégie, un peu de sens tactique et surtout une proximité avec votre base ferait bouger les lignes.

Cunctator.

vendredi 6 juin 2014

Pourquoi la plus grande mosquée d'Afrique en terre chrétienne et animiste?

Le Congo s’enorgueillit, déjà en cours de réalisation, parait-il, du projet de construction, à Brazzaville, de la plus grande mosquée d’Afrique. Que le Sénégal et Dakar, le Maroc et Rabat, l’Algérie et Alger, la Tunisie et Tunis, le Mali et Bamoko, l’Egypte et le Caire, le Soudan et Khartoum, la Mauritanie et Nouakchott, à la limite, le Tchad et Ndjamena se parent d’un tel bijou, on pourrait le comprendre, puisque tous ces pays sont de confession musulmane, à près de 99%, pour certains d’entre eux.
Mais que, de tradition chrétienne, depuis plus d’un siècle, et par-dessous le christianisme, un animisme vivace, le Congo, soudain, consente que, sur son sol, soit élevé à l’Islam auquel le plus gros de sa population s’est jusqu’ici gardé d’adhérer, un habitacle de telles dimensions, est, pour nous, une belle énigme et un sujet d’étonnement. 
Par fanfaronnade, comme il y a quelques décennies, au virage de 1970, il se piqua d’orgueil d’être le premier parti marxiste en Afrique? Ou par calcul commercial et marchand: faire de Brazzaville, la Mecque de l’Afrique où afflueraient en pèlerinage, les musulmans de toute l’Afrique noire, avec, en perspective, des retombées économiques mirifiques pour le Congo qui roule déjà sous le poids des milliers de milliards du pétrole? L’argent, c’est bien connu, appelle l’argent! 
Or, à la place d’une chose qui ne serait pas sans intérêt pour Al Qaïda et tous les fous de Dieu, le petit peuple famélique des bidonvilles crasseux et malodorants des «Brazzavilles noires» aurait voulu des hôpitaux modernes et des structures d’éducation modernes aussi, les tremplins d’où, toujours, s’élance un peuple pour sonner aux portes du futur, conformément aux exigences du corps et de l’esprit. Mais qui ignore, à moins d’être bien distrait, bien imprudent et médiocrement patriote qu’une telle mosquée serait juste le lieu où des centaines d’imams peu soucieux de l’avenir de notre pays, inculqueraient à des milliers d’adolescents congolais, les préceptes d’un islam de vulgate qui n’a jamais élevé la conscience citoyenne de personne? Qui fait se jeter les uns sur les autres des peuples entiers, au nom de la foi, comme en Occident, au Moyen-Age, quand l’Eglise faisait brûler sur des buchers hérétiques et sorciers, traquait les païens? Qu’on nous montre les cohortes des savants nègres sortant de Tombouctou pour éclairer l’Afrique de leurs immenses connaissances scientifiques.
 Existe-il un seul «ancien» de Tombouctou, et nègre noir, de la stature intellectuelle d’un Ibn-Battuta ou d’un lbn-Khaldun, son homonyme, blancs et arabes, tous deux du Maroc et de la Tunisie, dans le Maghreb voisin? Or, à Tombouctou, les nègres qui y étaient admis, étaient juste islamisés à fin que, esclaves, ils fussent d’une totale soumission à leurs maîtres arabes et blancs. Lorsqu’on est nègre bon teint, on frémit d’horreur et de honte à la pensée qu’aujourd’hui encore, des Mauritaniens blancs règnent sur des troupeaux d’esclaves nègres.

Dominique NGOIE-NGALLA

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.