mardi 19 février 2013

Crise malienne: le désordre et l'irresponsabilité de l'Afrique des plaisantins

Comme le héros des séries télévisées, Hollande l’Africain, est arrivé de justesse sauver de la dérive un Mali bien en mal depuis près d’une année. Un Mali qui se consumait à petit feu sous le regard hagard de ses voisins et des autres Africains, qui pourtant, des intellectuels aux politiques, prônent l’unité africaine, projet hérité des pères des indépendances, avec la foi et la fermeté de ceux qui sont convaincus de l’objet de leur croyance. L’unité tant souhaitée, n’existant que théoriquement et servant de rempart idéologique à des Africains désespérés face à la déliquescence d’une Afrique morcelée en de nombreux états faibles - que renforcerait l’unité tant invoquée - , aurait dû avoir un début d’existence concrète si les Africains, dès les premières heures avaient saisi le problème malien à bras le corps. Ils auraient ainsi démontré à tous les sceptiques que leur grand rêve n’est pas une utopie de plus. Quand bien même l’unité n’est affirmée que du bout des lèvres pour se consoler des malheurs actuels de l’Afrique, il est néanmoins triste que des gens qui se réclament d’une sagesse depuis érigée en philosophie dont un proverbe affirme que c’est dans la souffrance qu’on reconnait ses amis, aient à ce point manqué d’élan solidaire et amical envers un voisin en détresse.

Sans l’intervention généreuse de la France de François Hollande, ce pays qui réclamait assistance à ses voisins Africains serait tout entier aux mains d’une bande obscurantiste, irrévérencieuse devant le sacré acharnée quant à l’instauration dans ce pays exemple d’un Islam tolérant, d’un islamisme brutal et rétrograde, qui occupaient déjà sa partie septentrionale. L’Afrique a applaudi Hollande, mais a oublié de se conspuer, de huer sur elle-même. Il n’y a que dans ce continent qui conjugue les paradoxes avec une facilité rarement vue ailleurs qu’on souhaite à s’époumoner une véritable indépendance sans toutefois se doter, bien qu’en ayant les moyens, de l’attitude propre à l’autonomie. Bien que salutaire l’intervient de la France pour sauver le Mali est un camouflet pour l’Afrique. Une claque cinglante qu’on entendra raisonner encore longtemps. Cette intervention, en effet, expose davantage les faiblesses criardes de l’Afrique. Scandaleux, scandaleux ! Camouflet certes, mais salvateur si, enfin sortie du berceau dans lequel elle dort depuis des millions d’années, acceptant enfin de ne plus être un enfant, l’Afrique ose se regarder telle qu’elle est vraiment au lieu de s’évader toujours dans le rêve de ce qu’elle pense avoir été autrefois et de ce qu’elle aimerait être. C’est une attitude peu courageuse ; c’est fuir ses responsabilités et surtout renoncer à l’action. Or il n’y a qu’en se confrontant aux choses qu’on les affronte, jamais en leur donnant un tour moins dramatique dans nos réflexions ou en se réfugiant dans des fables pour se consoler d’une historicité si obscure qu’on en a honte. Pourtant, une mère, même pauvre et misérable, n’est pas moins une mère ; ses enfants conservent l’amour et l’affection qu’ils ont pour elle. Affronter la réalité, avoir un discours réaliste et non se bercer sans cesse d’illusions, voilà le meilleur moyen d’avoir prise sur son destin et de le transformer ; autrement on le subit. Ce n’est que par l’action et la volonté de se hisser au niveau des meilleurs que les champions d’Asie sont parvenus à leur niveau actuel. L’Amérique latine ayant mis en place les mécanismes institutionnels et informels d’une véritable intégration sous continentale adopte une vis-à-vis du gendarme d’hier, les USA et des esclavagistes financiers internationaux que sont les institutions monétaires internationales une posture que seuls peuvent susciter la volonté de prendre son destin en main.

Décalée quant à l’action, et c’est là le drame de ce continent désarticulé, les élites africaines le sont aussi quant à la pensée. L’Afrique pense peu et n’a pas le courage de se penser telle qu’elle devrait. Parmi ses nombreux universitaires très peu sont parvenus, du fait leurs recherches, à devenir des spécialistes des questions qu’ils traitent, de sorte que leurs résultats édifient ce continent qui a grand besoin de science. Ils ne sont pas devenus des sociologues, des philosophes, des historiens, des physiciens, mais ils sont restés professeurs de ces matières. Dotée d’une telle réserve de savoir, quoique en nombre encore insuffisant, l’Afrique devrait s’ausculter, regarder au-dedans d’elle pour saisir ses logiques et dynamiques propres afin de les modifier lorsqu’elles ne sont pas bonnes ou de les améliorer. Non seulement l’Afrique pense peu, mais encore, elle pense de façon désordonnée. C’est d’une pensée ordonnée que surgit l’ordre matériel, que tout ce qui était éparpillé, désarticulé, démembré, décousu est remis en état. Ce qui se pense bien, pour paraphraser Boileau, s’exprime bien, donc prend une forme concrète reflet la pensée qui l’a conçue. L’excuse on la connait, mais ce n’est pas seulement une excuse et les Africains pour guérir doivent en tenir compte : une histoire malheureuse a façonné son destin, l’a sans doute affublée de complexes si forts et d’un effrayant manque de confiance qui lui ont ôté les déterminants de la réussite et la font avancer tel un automate, ne sachant pas vraiment où elle va, se cherchant tuteurs et mentors, surtout après ses indépendances obtenues presque trop facilement hormis les rares pays où elles furent l’issue d’âpres combats.

En termes d’action l’Afrique a la palme du folklore et du ridicule. Action entendue comme action politique d’envergure. Pour sortir de la détresse l’histoire est truffée d’hommes exemplaires, dotés d’une intelligence que taquine une profonde sensibilité aux choses des hommes et doués de cette capacité à envisager d’un regard le devenir des sociétés dont ils se chargent d’infléchir le cours par leur geste. L’Afrique a peu de grands hommes, Mandela fait figure de transfuge dans une bande de cancres. Elle est gouvernée par des histrions sans aucune notion de l’Etat et de la gravité qu’une gestion responsable de celui-ci exige. Quel spectacle affligeant que de voir ces clowns de chefs dont certains donnent l’impression de ne s’être jamais remis de leur accession inespérée aux commandes. Très peu en effet ont l’étoffe d’un chef. L’air niais et repus d’eux-mêmes et se congratulant éternellement de leur insuffisance spectaculaire. Ubuesque ! Comment s’étonner alors que les choses aillent mal, quand aux commandes se trouvent des plaisantins éloignés de tout souci de cohésion et d’ordre ? En dehors de quelques pays exemplaires, l’Afrique souffre de désorganisation à tel point que de nombreux Etats n’ont d’Etat que le nom. Pas d’Etat, pas de loi, pas de progrès. Le chaos ! Une Afrique organisée aurait trouvé une solution au problème de la RDC et des autres pays non administrés dont les structures de l’Etat ne servent qu’à des fins mafieuses de redistribution de prébendes dans lesquels abandonnées, les populations n’en finissent pas de survivre et ont arrêté de rêver de vivre décemment.

Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.