mardi 31 décembre 2013

Nelson Mandela ou enfin la sagesse au pouvoir

Quête et conquête de la vie bonne, le philosophe définit la sagesse comme l’ensemble hiérarchisé et réfléchi de nos désirs. Voilà sans doute pourquoi, lorsqu’il s’agit de l’exercice si difficile et si délicat du pouvoir politique, pour éviter ses dérives dévastatrices, Platon ne voit pas qui, mieux que le philosophe, peut être aux commandes. Lui qui est, par vocation, l’amoureux de la sagesse. Cependant, lorsqu’il s’agit de politique, la sagesse n’est pas à prendre au sens où l’entendaient les philosophes anciens: sommet du savoir, mais simplement sens avisé dans la conduite de soi et des affaires humaines.

Du pragmatisme roulé dans beaucoup de prudence. La prudence qui est, on a tendance à l’oublier, une vertu intellectuelle et cardinale. Et c’est la sagesse des grands hommes d’action: Périclès, Richelieu et, bien sûr, Nelson Mandela. Et c’est le signe d’une grande intelligence. Mais qui n’a rien avoir avec l’intelligence contemplative et spéculative du philosophe qui tombe au fond d’un puits, à force d’élévation au-dessus du réel. Le sage a, certes, l’intelligence pénétrante du savant, seulement, il en tourne la pointe vers l’action à quoi il ajoute le cœur, les raisons du cœur. Et c’est le portrait de Mandela. Mandela aura eu tout ce par quoi Gobineau et tous les racistes qui sont des crétins ou des malades définissent la race supérieure et blanche.

Mais est-ce hasard si tous les groupes humains de la terre (les fameuses races!), des Blancs aux Jaunes, en passant par les Rouges, comme d’instinct, se soient rendues à Soweto rendre hommage à un homme, dans la hiérarchie des racialistes et des racistes, logiquement classé dans la dernière race? Cette classification aberrante ayant eu pour conséquence funeste, dans le passé, qu’il nous en souvienne, la traite des Noirs, le colonialisme dont, aujourd’hui, les descendants de ceux qui les commirent (car ce sont des crimes horribles), lorsque, par bonheur, ils en prennent conscience, se demandent comment a-t-il été possible que des hommes civilisés soient descendus à un tel niveau de sauvagerie et de barbarie. A tous ces barbares étonnés, Mandela enseigne la condition humaine, riches ou pauvres, Blancs ou noirs, notre lot commun, avec l’obligation morale de la vivre en hommes conscients. Aux chrétiens même qui parlent plus qu’ils n’agissent, il aura enseigné l’Evangile en acte et qu’un christianisme non pensé, non médité et non agi conduit à l’ornière du rituel. Les chrétiens d’Afrique qui ramènent la spiritualité à la gesticulation rituelle entendront-ils Mandela? Mandela est un modèle.

 Mais campé sur une telle hauteur d’exigence, qu’il faut craindre qu’il ne reste longtemps inimitable. En tout cas, face à Mandela, comme tous ces hommes Noirs de pouvoir paraissent des nains grimaçants qui ont, cependant, le toupet et l’outrecuidance de se réclamer de Mandela. Si demain l’Afrique veut tout de même convaincre que, loin d’être un pur accident de l’histoire, Mandela est le pur produit de la sagesse africaine qui peut en produire d’autres, il faut que ceux qui parlent au nom de Mandela jettent la sonde dans le riche patrimoine culturel et spirituel de l’Afrique et s’en inspirent. Rien d’autre à faire pour avancer. L’intelligence et la sensibilité de Mandela devant la mémoire de qui la terre entière s’incline, s’y reconnaissant, ne furent façonnées par aucune idéologie étrangère. Sa stature morale exceptionnelle fut fortifiée et structurée certes, dans la lutte et l’adversité, mais la racine est bantoue et Nègre.

Dominique Ngalla-Ngoïe




samedi 14 décembre 2013

Mal-gouvernance: la faiblesse et la menace des Etats africains.


Aucune organisation sociale ne prospère si son mode de fonctionnement ne lui permet d’être viable, d’exister sur le temps long ou de s’adapter. Pour ce faire elle choisit un mode d’organisation lui permettant d’atteindre ses objectifs primordiaux. Dans ce cas elle est dite efficace .Valable pour la famille, la plus petite des structures sociales, ça l’est aussi pour l’entreprise et pour l’Etat, la plus grande. Si les objectifs de l’entreprise sont de gagner des parts de marché et de s’assurer des profits, ceux de l’Etat, à travers les fonctions régaliennes classiques consistent en la sauvegarde de la souveraineté nationale, la sécurité des citoyens et le maintien de l’ordre public, la protection des droits et libertés fondamentaux (la justice) et d’assurer et de garantir l’accès équitable aux services indispensables à la vie sociale.

Or l’Etat n’existe qu’à travers ses institutions et son administration. Ce sont elles qui le font vivre et exécutent ses missions. Ainsi des institutions et une administration en bon ordre de marche, seront la marque d’Etats solides, performants. Les autres, dont l’action est rendue inefficace par la coalition de facteurs que l’Afrique conjugue brillamment, n’assureront pas ou n’assureront qu’avec difficulté la mission de l’Etat. Ce type d’Etats constituent les Etats faibles. Lorsque cette incapacité atteint un degré élevé il n’est pas exagéré de parler d’absence d’Etat.

Lorsqu’il s’agit de l’Afrique, quelques entités politiques sont d’emblée identifiées comme des Etats fragiles de par la précarité des institutions et la quasi inexistence des administrations. Mais, une considération rigoureuse du concept d’Etat et la mise de côté de la complaisance théorique et pratique qui accorde ce statut à des institutions et des administrations brouillonnes, révèle que bien d’entités politiques ne se qualifient que formellement au titre d’Etat ; matériellement loin du compte. Semblant tenir, appuyés sur des structures clairement identifiables, quoique branlantes, la catastrophe est moins évidente. En effet, qui ne les observerait que superficiellement pourrait facilement dire « ça va !». Des institutions, des administrations, des hommes à la manœuvre. Jusque-là tout va bien. Mais là encore, Prenez garde ! Ce beau paysage n’est qu’attirail de prince revêtu par un gueux. Un cache misère ! Malgré qu’ils disposent en leur faveur des conditions pour faire fonctionner correctement un Etat, les pays frappés par ce désordre souffrent du retrait de l’Etat, et partant, de l’abandon de ses missions traditionnelles, qu’essaient de remplir tant bien que mal les ONG ou les acteurs privés qui se substituent à lui. La Défense Nationale; la santé, l’éducation, le transport sont en ruines ; les politiques orientant les grandes actions de l’Etat quand elles existent vont rarement au-delà du lancement des projets concernés, de sorte que faute de telles politiques l’énergie, l’agriculture, les télécommunications, les moyens de communications quand ils existent sont médiocres.

Datant des après-indépendances, quand elles ne sont pas le fait d’une indigence en terme de ressources financières, ces difficultés résultent soit de l’incompétence des élites Africaines à entrer en modernité, incapables d’orienter l’action de l’Etat selon les nécessités de l’époque, soit d’une conception bien étrange de celui-ci, en s’en arrogeant les moyens au mépris de l’intérêt général, que ce dernier a vocation à promouvoir et à garantir. La première option semble difficilement justifiable, car, bien que non-encore entièrement alphabétisée, l’Afrique dispose d’un vivier de personnel formé apte à piloter correctement un Etat. Pour cela, elle n’a pas à rougir d’une comparaison avec d’autres sociétés. Pourtant cette forte concentration de personnes sorties des meilleures universités de la planète, dont nombreux occupent les fonctions les plus élevées de l’Etat, ne suffit pas à hisser l’Afrique sur la voie du progrès. Bien au contraire, elle régresse, incapable de produire du développement malgré des taux de croissance parmi les plus élevés au monde. La seconde option, le mépris de la République, reste donc la seule explication.

Nés dans un contexte de guerre froide, de nombreux Etats Africains, la majorité du moins, bascula, dans des régimes monopartistes à tendance socialiste, aiguillés sans doute - outre la volonté de tourner le dos à l’idéologie de l’ancien colonisateur -, par le souci du consensualisme, valeur primordiale des différentes sociétés Africaines, mais surtout par souci de stabilité politique, contre laquelle, vu la fragilité des institutions, la conjugaison du multipartisme et de la pluralité des ethnies qu’opposaient force différences, représentait une menace. Dans la conception des premiers dirigeants, un parti unique dans lequel se fondraient toutes les composantes de la population était non seulement gage de stabilité institutionnelle et de paix, mais encore un moyen efficace pour parvenir au développement grâce à la fusion en son sein des énergies de tous bords.

Pour le malheur des Africains, ces fins furent très vite perdues de vue. L’autoritarisme, la corruption, la gabegie, la concussion le clientélisme à tendance ethnique ou régionale s’emparèrent des Etats et, tels des pirates, le détournèrent de sa mission pour l’orienter vers des fins autres que l’intérêt général. Trois décennies plus tard, lorsque le vent du multipartisme et du libéralisme politique souffla par-là, on crut l’Afrique tirée d’affaire, mais, malheureusement, il ne souffla pas assez fort pour imposer la république. La république a en effet ceci de bénéfique que « le bien commun, fruit du labeur de tous les citoyens, est administré, géré de façon responsable que l’harmonie sociale advient et que le développement et le progrès deviennent possibles » (Ngoïe-Ngalla). A différentes échelles, les moyens de l’Etat au lieu d’être affectés à la réalisation des missions de service public, continuèrent d’être allègrement détournés pour servir des ambitions ou les fantaisies des élites politico-administratives pour qui la ponction systématique des ressources nationales tient lieu d’idéologie. L’appareil étatique n’est pas considéré comme un moyen de réalisation d’objectifs guidés par le souci de l’intérêt général, mais plutôt comme une vache grasse dont il convient de profiter jusqu’à n’en plus pouvoir. Il n’est par conséquent pas étonnant qu’avec des ressources dédiées au développement et à l’exercice du service public continuellement ponctionnées, que de telles sociétés s’enfoncent chaque jour un peu plus.

Il est évident que lorsque les reines de l’Etat sont aux mains de groupes ou de personnes dont la conception de l’Etat se limite à la détention d’un appareil administratif qu’on manipule au gré d’intérêts et d’ambitions personnels ou groupaux bien souvent antagonistes avec ceux de la communauté nationale, on détourne toute une administration de sa mission et on l’affaiblit dans son principe. L’abandon et la ruine qu’on y constate, font d’emblée penser à l’inexistence concrète d’un gouvernement et témoignent de la nocivité de ces politiques.

Les récentes crises militaires africaines, Mali et Centrafrique, sont la conséquence, du point de vue de la défense de la souveraineté nationale et du maintien de l’ordre et de la sécurité publics, du détournement de l’Etat. D’une part les forces armées et de police d’un état affaibli souffrent de faibles dotations, du manque d’équipement et d’armement et sont de ce fait, même avec la meilleure volonté, incapables de défendre leurs pays contre les agressions extérieures et toutes sortes de menaces intérieures (trafic de stupéfiants, trafics humains, bases terroristes, etc.). D’autre part, pour les pays qui peuvent encore doter leurs forces publiques, la vocation de ces dernières étant la protection du pouvoir de princes impopulaires ou illégitimes, dont l’autorité résulte de la brutalité des forces qui leurs sont acquises, ces dernières adoptent une stratégie conforme à leur drôle de mission, se dotent des compétences nécessaires à ce type de missions et oublient le principal, de sorte que, face à un ennemi équipé, entrainé et déterminé, ces armées qui comptent dans leurs rang des officiers formés à Westpoint, l’Ecole de guerre, Saint-Cyr et dans les meilleures académies chinoises ou russes, se font tailler des croupières, incapables d’opposer le minimum de force dont une armée d’exercice, fut-elle la dernière, est capable.



Or le danger de quarante ou cinquante de dysfonctionnements, c’est que les attitudes décriées se structurent solidement dans les esprits des Africains. Il faut craindre qu’ils ne s’habituent au désordre et que la bonne gouvernance, comme la lumière pour des yeux habitués à la pénombre, ne soit devenue une gêne. Et, comme le montrent les différentes crises dont la mal gouvernance est la cause (crises budgétaires, blocages politiques, guerres civiles, recul de la souveraineté, etc.) c’est que la dangereuse irresponsabilité des politiques, incapables d’animer la vie d’un Etat ne soient remplacés par des dirigeants de substitution - aux intérêts éloignés de ceux des Africains -, que la faiblesse de ces Etats, qui sentent fortement le sépulcre attire déjà.

Philippe Cunctator.

mardi 10 décembre 2013

République et éthique citoyenne, le grand déficit de l'Afrique

L’appréciation de la santé de l’Afrique, au plan politique, économique, social et culturel divise, depuis quelques décennies, l’élite intellectuelle en afro-pessimistes et en afro-optimistes. Les premiers, depuis René Dumond, prédisant, pour l’Afrique, un avenir de catastrophes; les seconds, plus mesurés et même résolument enthousiastes et optimistes, projetant, dans pas trop longtemps, un avenir de l’Afrique brillant.
Pour ma part, je n’appartiens à aucun de ces deux camps. Je m’efforce simplement de rester lucide, face à un horizon d’avenir de l’Afrique chargé, certes de promesses, mais tout autant d’incertitudes. C’est que nous sommes engagés dans l’histoire. Nous sommes en chemin et, aussi longtemps que l’histoire ne sera pas close, personne, à moins d’être le Père Eternel, personne ne peut dire de quoi sera fait demain ou comment les choses se termineront.
Je prends, simplement, le risque, à partir de l’observation d’un certain nombre de données, de projeter un avenir de l’Afrique relativement satisfaisant, moins bancal que son présent où nous nous mouvons; à condition que nos organisations politiques de bricolage le cèdent à une authentique République de libres citoyens. C’est dire que ce dont, aujourd’hui, souffre l’Afrique et qui constitue, pour son développement, un frein terrible, c’est un déficit de République citoyenne. Donc, un déficit d’éducation et de formation au libre débat public sur les affaires communes «respublica», à la confection desquelles, de par son statut, le citoyen a l’obligation de travailler et, de ce fait, de demander des comptes à ceux à qui il a donné mandat de les gérer. C’est lorsque ce bien commun, fruit du labeur de tous les citoyens, est administré, géré de façon responsable que l’harmonie sociale advient et que le développement et le progrès deviennent possibles.
Je suis en train de vous dire que l’avènement de la République, qui est une véritable aventure éthique, ne va pas de soi. L’aventure étant une entreprise dont on attend, au bout, des satisfactions, mais qui comporte des risques à courir. Voilà pourquoi celui qui s’y jette doit s’armer d’un certain nombre de vertus: de courage, mais aussi de prudence, et de patience.
Ulysse sait que le retour à la maison où l’attend le bonheur de son épouse et de sa famille retrouvées est subordonné au franchissement d’une foule de tentations et d’obstacles. Parce que, la citoyenneté qui fait passer l’intérêt général avant l’intérêt personnel ou qui s’efforce de faire que l’intérêt général coïncide avec l’intérêt particulier et qui font le bon citoyen exige le dépassement de soi, sans doute un minimum d’exercice pour y parvenir. De ce point de vue, je crains que l’Afrique ne soit sans doute en train de tisser du mauvais coton. Nous nous amusons beaucoup, nous pensons peu; nous nous laissons vivre au gré du fouet de nos instincts primaires.
La fuite du questionnement de soi en Afrique est révélatrice de la différence de comportement social et culturel observé entre l’Afrique et l’Occident, où la volonté de conscience est ce qui frappe l’observateur. Dans cette région du monde, en Occident donc, le citoyen est citoyen de plein exercice. Il a la jouissance de toutes les libertés auxquelles l’ouvrent son statut; il a la jouissance de l’assurance de l’égalité de tous les citoyens devant la loi. 
La République, en tant que bien commun, donne, à tous, les mêmes chances et demande à tous de porter une attention vigilante aux affaires de la cité, de la gestion correcte de laquelle dépend le bonheur de tous. La mauvaise gouvernance dont en Afrique, (les politiques les premiers et l’opinion), on se fait des gorges chaudes; la mauvaise gouvernance révèle un déficit sévère de la conscience citoyenne. Il est alimenté par le refus ou la réticence de la puissance publique à se soumettre au droit et à la loi. L’Etat de droit et la conscience citoyenne sont cause l’un de l’autre.
La conscience citoyenne n’est pas simple étiquette, le simulacre de nos devoirs. La citoyenneté doit dépasser le niveau des déclarations de principe, pour devenir un ensemble de convictions et de motivations qui nous animent de l’intérieur et justifient, orientent nos comportements civiques dans la société. Ce constat inquiétant du déficit d’une République de citoyens en Afrique, appelle, d’urgence, pour l’Afrique, la nécessité de l’éducation à la République qui est, dans les pays d’Occident où elle a fini par s’imposer, le produit d’une longue histoire, un long processus de maturation de l’homme vivant en société, grâce à l’éducation.
 On ne peut faire la République avec le bas niveau de conscience des hommes et des femmes restés à l’âge de la pierre taillée (...) compassion que Tocqueville appelle «la raison du cœur», le fondement même de l’asociabilité citoyenne: ne jamais laisser personne au bord de la route, puisque, quelles que soient nos différences sociales, culturelles et mêmes ethniques, nous sommes, tous, convoyés par un même destin. Il y a de l’évangile dedans. Ce souci de l’autre vient-il à nous manquer et nous nous cloisonnons, signant du coup la mort de la démocratie.
Dans les villages du groupe ethnique auquel j’appartiens, le souci de l’autre était tel que chaque matin, tout adulte se devait de faire la ronde de toutes les habitations et de toutes les cases, pour y prendre les nouvelles de la santé de chacun. Beau geste de charité chrétienne à la vérité, dans une société de païens, mais au fond beau geste démocratique! Et cependant, nous nous trouvons encore si loin de ce que l’on peut appeler une démocratie adulte. Parce que, malgré cette merveilleuse percée, la démocratie africaine n’avait pas dépassé les fondamentaux de la démocratie, puisque tout en postulant la liberté comme idéal à réaliser, comme dans l’Athènes de Périclès et d’Ephialtès, elle avait toléré l’existence des esclaves et l’inégalité entre les hommes et les femmes. Inacceptable dans une démocratie adulte. 
Mais, les raisons de l’immobilisme du processus démocratique en Afrique peuvent être identifiées. L’une des premières: la violence de tant de vents qui avaient soufflé sur l’histoire africaine. La deuxième, parmi tant d’autres encore, le non questionnement, le défaut de la remise en question de ce que nous venons d’appeler les fondamentaux de la démocratie: la liberté de parole, le débat public contradictoire. Car, la démocratie affronte une histoire ouverte qui fait d’elle une culture politique de la remise en question des acquis.

samedi 23 novembre 2013

La tentation de l'élite Africaine

Au lendemain des indépendances, bien que numériquement faible encore, l’élite intellectuelle porta l’espoir du développement des pays africains, pour beaucoup d’entre eux encore en friche, au moment du retrait du colonisateur. Le savoir, même en Afrique, est tenu pour le moyen le plus sûr de la réussite sociale, et de l’épanouissement de l’homme.
Le volume de cette élite augmenta régulièrement. En revanche, restée de cueillette pour l’essentiel, l’économie de l’Afrique indépendante allait de mal en pis, d’année en année. L’élite intellectuelle fut la première victime d’une récession économique que ne pouvait juguler la politique du ventre dans laquelle s’était engouffrée une classe politique formée de bric et de broc; du bricolage tout simplement. Hors, la sphère politique et du pouvoir, le niveau de rémunération restait faible, et le pouvoir d’achat. Dans ces conditions, difficile, impossible même pour l’élite qui avait tant rêvé, de tenir son rang. L’élite intellectuelle, c’est-à-dire l’ensemble des cadres supérieurs, pour la majorité d’entre eux, formés dans les meilleures universités d’Europe et d’Occident et bardés de diplômes universitaires: médecins, enseignants du supérieur, ingénieurs, pharmaciens, techniciens supérieurs. Tout ce beau monde à la portion congrue, essuyant souvent, les rebuffades de cette catégorie de leurs concitoyens, au cursus scolaire, pour nombre d’entre eux, plus que modeste, et qui n’était monté si haut dans l’échelle sociale qu’à force de rhétorique creuse et révolutionnaire, dans les pays de régime marxiste, ou, plus généralement, à force de rouerie. 
La classe politique qui toise l’élite intellectuelle, se recrute parmi les descendants des évolués de la période coloniale de l’histoire du pays dont la mobilisation fut décisive dans le processus sociopolitique qui conduisit à l’indépendance. Dans les pays qui en firent l’expérience, la révolution et le parti unique, de leur côté, fournirent, eux aussi, leur contingent à la classe politique. Or, on n’entre pas en politique comme on entre en religion. On entre en religion pour s’oublier soi-même, parce que, ici, l’accomplissement de soi s’opère dans l’oubli de soi. L’oubli de soi et la recherche de l’amour du prochain et de Dieu. Sauf cas exceptionnel, on entre en politique poussé par la soif du prestige et des avantages économiques et sociaux qui y sont associés. Le tout, bien sûr, couvert du drapeau de la générosité et du dévouement à l’intérêt général, alors que ne cessent de se creuser les inégalités sociales, alors que ne cessent de se restreindre les libertés.
Venus du milieu des évolués ou des camarades, même appartenant à des courants politiques et à des camps politiques opposés, ceux qui forment la classe politique constituent une catégorie de citoyens à part, aux habitudes et aux mœurs semblables, en dépit de la différence de leur coloration politique. Riche sans avoir jamais travaillé, égoïsme féroce, esclaves de leurs biens, retirés des masses que, portant, tous les jours, ils endoctrinent, obsédés par la jouissance de leurs intérêts, un cœur de pierre et donc étrangers à toute compassion pour leurs semblables. Brutalement jetée dans le climat délétère d’inversion des valeurs, caractéristique de l’Afrique post-coloniale, l’élite intellectuelle prolétarisée résiste peu à la tentation de rejoindre la meute; oubliant qu’elle est la conscience de la nation et son institutrice. Elite intellectuelle démissionnaire. Elle a frappé aux portes du pouvoir et y a été reçue. Mais comme ces autres dont elle dénonce les pratiques. Ce sera pour arrondir ses intérêts, au détriment de la communauté et du bien général, à la croissance duquel la classe politique africaine est encore loin de consentir à travailler.

jeudi 14 novembre 2013

Le Nègre Debout

Je suis Nègre-Noir debout
Au milieu des orages.
Je suis habillé de nuit
Et ma cuirasse est taillée
Dans l'écaille du tonnerre.
Je suis l'arbre dressé
Au milieu du chemin
Où la solitude dresse sa crinière hautaine.
Satchmo couvrant de son thrène sourd
Le rire cruel des Blancs vous l'a dit:
Je suis Nègre-Noir debout
Sur le rut et la tristesse de l'histoire.
Retournez-vous, Nations
Et voyez toutes ces stèles
Battues d'orages qui jalonnent 
Ma marche ténébreuse.

Je suis Nègre-Noir debout
Depuis l'aube des siècles
Au milieu des rouges grondements de l'histoire.
Ô Nègre, entendras-tu jamais
Une voix qui ne soit menterie!
Ô homme Noir dispersé entendras-tu un jour
Le cri de ralliement
Et frisson au coeur de l'aimée?
Nègres mal-aimés du vaste monde
Qui allumera pour vous le message?
Je suis las des pélèrinages où se fabrique
L'outrage avec le mensonge.
Paix sur le Caucase et l'Oural.
Paix sur les Rocheuses, refuge des tempêtes
Et qu'enfin ami des hommes dorme
Le Nègre maître du langage
Comme autrefois sur la peau de panthère.

Dominique, Ngoïe-Ngalla, Chants d'ancrage.

lundi 11 novembre 2013

Le manque de courage, défaut des petits hommes d’Etat.


 Le compromis permanent avec des déviances universellement reconnues comme telles, le compromis avec des tendances, des attitudes contradictoires avec la dignité de l’humain, s’il est la marque d’un relativisme béat ou d’un cynisme effrayant, est encore la preuve d’un inquiétant manque de courage, car, pour son confort, on refuse de choisir, de trancher, de dénoncer, de s’indigner. Comme les collabos d’hier on refuse l’affrontement, on refuse la résistance. Malheureux ceux qui optent pour une telle voie par souci de préserver toujours les bons rôles. Le ni-ni n’est pas une posture, c’est une mort à petit feu, car il conduit toujours aux égouts de l’histoire.

 Aucun mépris pour ce siècle ne m’anime, aucune haine d’être de ce temps, même si par moments on en a honte. Etant de ce siècle sans possibilité de m’exiler dans un autre, quand bien même, si mon tempérament me le permettait, je pourrais décider de ne pas tendre l’oreille aux cris, aux grognements, aux pleurs et à toutes les plaintes, les colères, les douleurs et les frustrations qu’ils charrient, je suis obligé d’en affronter le tragique. Et ma conscience ! A elle on n’échappe pas. Comme l’œil dans le poème de Victor Hugo, elle nous suit jusqu’à notre ultime retraite et jamais ne cesse de nous interroger. De son temps, il ne suffit pas d’avoir honte, il faut oser le regarder avec lucidité, ce courage de la vérité, et se jeter dans l’arène, se battre, lutter contre l’infâme et l’écraser comme le demandait Voltaire ; lutter contre l’arbitraire, la haine de l’autre, l’égoïsme et tous ces maux qui nous minent. Seulement mener un tel combat exige un courage auquel notre époque ne nous a pas préparés. Dispensés de réfléchir par tant et tant de sollicitations niaises, nous sommes plutôt préparés à subir. Or qui subit ne décide de rien, même pas de son avenir.

La tâche de conduire les nations et de réfléchir aux fondements de leur cohésion, aux conditions de leur progrès et de leur aisance, comme nous le montre l’histoire des sociétés, a de tout temps été confiée à un « petit bataillon de grandes âmes vouées à une noble cause », l’élite. Il est dès lors normal que ce soit à elle qu’on s’adresse lorsque les choses sont difficiles. Elevés dans le culte de la grandeur et de la noblesse les grands hommes d’Etats, avec éclat ou de façon terne, n’ont jamais manqué à l’appel quand le destin de leur nation traversait une passe effroyable. Plus forts que leur temps en inversant, que ce soit avec le sabre ou la pensée, l’ordre des choses, ils ont ouvert de nouvelles voies et irrigué d’espoir des consciences tourmentées et accablées de doute. Mais c’était là des hommes d’autrefois, des hommes du temps où ne pas être vertueux à 18 ans, lorsqu’on était de cette race, c’était avoir raté sa vie. Ce qui est inquiétant aujourd’hui c’est que notre temps a remisé de tels idéaux dans les placards de l’histoire. D’autres rêves, mais plus prosaïques ceux-là ont, depuis remplacé l’idéal de vertu. Ils se nomment réussite, célébrité, richesse. Des choses communes qui échoient à tous sans considération de de la valeur, de la grandeur et de l’amour inconditionnel de son pays. En voulant être une élite qui n’a de grand que le prestige des positions et des rôles; cette dernière a échangé les idéaux qui la distinguaient pour les remplacer par celui de star, et de ce fait a perdu le sens du tragique. Une élite qui troque les attributs de son principat contre ceux de la piétaille n’est pas capable de hisser cette dernière vers le haut ; de montrer le cap et surtout de le maintenir contre vents et marrées. A force de baigner dans la banalité, les choses, importantes comme insignifiantes, acquièrent toutes la même valeur.

Que sont les grands hommes devenus ? S’interrogeait Jacques Julliard, et avec lui beaucoup d’autres. Ces hommes, dont la grandeur éclatait aux moments les plus sombres, faisant front contre les menaces les plus terribles, ont migré depuis bien des saisons maintenant, et avec eux le courage, la foi, l’amour, la justice, la compassion. Aujourd’hui, la mesquinerie et la banalité ne règnent pas que dans la foule. Mais ce dont on souffre le plus de cette disparition, c’est la fin du courage. Courage d’autant plus nécessaire que l’incertitude, et les menaces de tout ordre menacent nos sociétés. C’est en effet, écrivait Descartes, « dans les affaires les plus dangereuses et les plus désespérées qu’on emploie le plus de hardiesse et de courage ». Du courage il en faut pour proposer des solutions viables et originales pour avancer dans ce monde tumultueux ; du courage il en faut pour affirmer sa singularité et apporter des solutions qui tiennent compte des particularités locales ; du courage il en faut pour expliquer clairement l’état du pays et exiger des efforts justifiés. Or, les politiques, particulièrement ceux-là tributaires du suffrage universel, ayant en permanence le souci de s’assurer un autre mandat lorsqu’ils sont chefs de l’exécutif, ne se préoccupent plus tant de régler les affaires selon les nécessités de l’heure, que de plaire à l’opinion et de donner vie à ses fantasmes. Par ailleurs obéissants à des intérêts incompatibles avec l’intérêt général, ils orientent leur politique selon les exigences de ces derniers qui essuient leur souillure sur les habits de la République. Ainsi, par la faute de politiques de petit calibre, des nations entières sont menées non pas par la vision que partage le chef et ses administrés, mais plutôt par la double dictature des intérêts des puissants et de celle de l’opinion au sein de laquelle les plus populistes d’entre eux font leurs emplettes.

On l’a vu en France, un brillant politique, Président de la République de surcroit, en principe défenseur des valeurs humanistes françaises, céder au grand désarroi des bien-pensants et des idéalistes, à une rhétorique de cloaque et d’égouts. Il s’est plu à manipuler des puanteurs dont même les déchets de l’histoire ne voudraient pour un sou. Pourquoi ? Les partisans de la haine de l’autre et la mésentente nationale gagnaient du terrain dans ce pays. Il fallait les arrêter comme Charles Martel arrêta les Maures. Charles Martel avait évité à son pays un véritable péril, pas ce Monsieur, car ces autres dont il faut se méfier, qui menacent-ils en France, sinon les imbéciles et les racistes ? Peu courageux comme attitude ! Vraiment déplorable ! Si je ne m’abuse, les Français, qui, je l’espère, ne sont pas tous racistes, lui ont reproché cette regrettable manœuvre. Mauvais général ! Porteur d’une parole quasi sacrée, sa démarche a séduit et, au lieu de récolter les résultats escomptés, a contribué à ériger un parti douteux et effrayant de par son idéologie à des niveaux plus que satisfaisants, de sorte que le racisme et le rejet de tous ceux dont l’altérité brille sur le front sont désormais chose commune dans ce pays à tel point qu’une ministre de la République en a récemment fait les frais.

Ce qu’il faut, et c’est valable pour l’opposition également, ce sont des hommes politiques auxquels déplaire ne fait pas peur, des hommes politiques nourris au lait de la vertu telle qu’on en la fait plus aujourd’hui. Comme le rappelle si bien Cynthia Fleury, « il n’y a pas de courage politique sans courage moral, la fin de la négociation avec l’inacceptable et le désarroi qu’il engendre s’appuient nécessairement sur la reconquête de fondamentaux personnels et collectifs. »

Philippe Cunctator

jeudi 10 octobre 2013

Drame de Lampedusa : l’inadmissible silence d’une Afrique apathique


Une embarcation coule en Méditerranée, au large de l’île italienne de Lampedusa. Près de 400 morts. Des Africains. Embarrassés par le drame, touchés aussi sans doute, les gouvernements européens décident de se rencontrer afin d’envisager des solutions à ce drame qui depuis bien longtemps maintenant brasse des et des tas de victimes, tandis que du côté de chez les Africains indolents et apathiques on ne cille même pas d’un œil. C’est épouvantable ! C’est d’autant plus épouvantable que les victimes, en mal de dignité dans leurs pays d’origine, qui font un voyage de tous les dangers au cours duquel elles sont aux prises avec non seulement la chaleur des déserts, la soif, la faim et à toute une horde de maux, auxquels s’ajoutent les tracasseries des passeurs, sont des Africains.

La solidarité est dit-on une valeur partagée en Afrique, mais, il semble que cette solidarité doive plutôt être rangée du côté de la fable tant, au niveau de ses dirigeants du moins, on en voit pas la moindre trace. Autrement le drame de Lampedusa et en général le drame permanent que vit ce continent champion des rôles malheureux dans le théâtre de l’humanité susciterait un merveilleux élan de compassion, sinon une détermination à envisager des solutions concertées à la litanie de problèmes, pour la plupart locaux, certes, mais aux conséquences continentales. Les Italiens choqués, peinés, affligés par cette noyade massive de trop ont décrété une journée de deuil national. Pas un seul équivalent en Afrique , même pas un message sympathie à l’attention des pays endeuillés. C’est un scandale que les Africains ne se mettent en branle qu’après que les Occidentaux se sont intéressés aux difficultés, aux catastrophes, aux tragédies africaines. C’est une honte que ce continent qui se veut moderne et dont nombre d’intellectuels promeuvent le panafricanisme, n’arrive pas à mettre en place de véritables logiques d’intégration et de coopération. L’Union Africaine, créée en vue « d’accélérer le processus d’intégration sur le continent afin de permettre à l’Afrique de jouer le rôle qui lui revient dans l’économie mondiale, tout en déployant des efforts pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques multiformes auxquels elle est confrontée»[1] manque terriblement à sa vocation. Aucune rencontre au sommet n’a été programmée pour discuter du triste phénomène dangereux dont les victimes de Lampedusa ne sont pas les dernières.

Ce n’est pas une Afrique si irresponsable et méprisable qui arrivera à donner de la voix au niveau mondial et à se faire respecter. Une Afrique bourrée de cancres et d’imbéciles fieffés à la direction d’Etats, confondant la gestion et les intérêts de ceux-ci avec ceux de leurs obscurs villages. Comment en effet se faire respecter si on n’arrive même pas régler ses propres problèmes. Enfermés dans une mentalité d’enfants à qui il faut sans cesse tenir la main, les dirigeants Africains, dont certains se voient émergeants dans un peu plus d’une décennie sont, doivent céder la place à une nouvelle classe de dirigeants qui sache que ça implique ce que ça implique d’être capitaine d’un pays.

Ces migrants fuient la pauvreté, la misère, le dénuement desquels leurs princes et le reste de l’Afrique solidaire et unie peinent à les sortir. Mais comment les en sortir, si certains pays n’ont en pas les moyens ? En effet beaucoup d’Etats africains, n’ayant plus d’Etat que le nom, ou ne ressemblant à un Etat qu’autour des grandes villes où quelques infrastructures et bâtiments administratifs en état de délabrement avancé tiennent lieu de cache misère. Nombreux sont les Etats en Afrique qui n’en sont plus si l’on considère les fonctions régaliennes traditionnelles et les missions de service public. Au-delà des villes (dans certaines villes aussi) c’est le désert, un no man’s land administratif et socio-économique. Conditions donc d’une précarité qu’on a peine à qualifier tant elle est inouïe. De tels Etats sont incapables de garantir le minimum requis à leurs populations, qui comptent parmi les plus pauvres de la planète.

Compréhensible pour les Etats pauvres, sans ressources naturelles stratégiques, sans atouts naturels propices au tourisme par lequel ils pourraient engranger quelques devises ; ça ne l’est cependant pas pour les Etats riches que ne minent pas des conflits armés interminables empêchant l’Etat de s’organiser et de se hisser vers le progrès. Des Etats riches, mais plombées par le pillage sans scrupule des ressources financières directement préemptées par les ayants droits à titre universel que sont les hommes au pouvoir et leur entourage immédiat. Des Etats riches dans lesquels il ne fait pas bon vivre parce que dirigés par des régimes autoritaires, dans lesquels, outre les violations permanentes des droits et libertés fondamentaux, la majorité de la population n’a pas le sentiment de la dignité, parce que mal nourrie, mal logée, mal éduquée, mal soignée, et par-dessus le marché, brutalisée si elle ose revendiquer quoi que ce soit. Comment ne pas avoir le gout du lointain quand plus rien, même pas le rêve d’un avenir meilleur ne nous est proposé chez nous ?

Cunctator.



[1]  L’Union Africaine en bref, http://www.africa-union.org/About_AU/fmuaenbref.htm

lundi 24 juin 2013

L'héritage de Mandela

Au soir de sa vie, le plus grand regret de Mandela est sans doute de constater que la lutte que ses compagnons et lui ont mené âprement pour la liberté, quoiqu’ayant, au prix de lourdes pertes et d’importants sacrifices, terrassé le régime terrible de l’Apartheid, n’a pas inspiré les Africains pour la construction de sociétés plus justes. Partout ou presque, doit s’offusquer le vieux lion, les inégalités, la pauvreté toujours plus grande, la régression. Lui que son grand amour pour son pays et son souci de son peuple avaient conduit à s’engager dans un combat politique au cours duquel il a affronté des périls effrayants, a pris des risques fous, a déployé un talent exceptionnel que favorisait sa fulgurante intelligence des situations et cet acharnement qui transforme en excellence même la médiocrité, s’en ira triste de savoir que personne n’a repris le flambeau. Mandela sur la fin est bien la preuve que le courage et l’abnégation sont possibles lorsqu’on aime sa patrie avec piété et ferveur ; lorsque qu’on a conscience que la dignité intrinsèque de chaque homme est la condition nécessaire de toute vie sociale. Ainsi armé tout responsable politique, à l’exemple de Madiba, est capable de vaincre les penchants égoïstes qui font les petits chefs, de comprendre que le but de la politique n’est pas l’intrigue féroce pour des positions personnelles ou groupales, mais de défendre toujours les intérêts de ceux qu’on représente.

Malheureusement la geste héroïque de ce Monsieur n’a pas eu d’imitateurs. Est-ce l’exemple qui est difficile à suivre, ou est-ce plutôt la génération post Mandela qui est faite d’hommes si petits, si mesquins et si lourds qu’ils n’arrivent pas à se hisser sur les épaules du géant de Mvezo ?

Vingt ans après sa sortie de prison, existent en Afrique des peuples dans de terribles fers. Et ce non pas du fait d’un terrible oppresseur venu de très loin, dont la cupidité fait commettre des forfaits dignes de crapules comme au temps des colonies, mais les crapules, les élites africaines, cette fois sont encore plus barbares. Les châtiments infligés aux Nègres ne sont certes pas similaires, mais la symbolique elle l’est. A chaque époque ses atrocités. Faire croupir ses compatriotes dans une misère ineffable, enfermer leur esprit dans les choses viles sans jamais leur donner la possibilité à leur esprit de s’épanouir(de peur peut-être qu’ils aient de meilleurs moyens de contester leur autorité illégitime pour la plupart d’entre eux), leur refuser l’accès au progrès quand toutes les conditions sont remplies, les déshumaniser est non seulement le propre d’une élite sans amour, mais aussi d’une élite sans courage. Manque en effet de courage moral et politique qui ne veut pas s’inscrire dans les procédés de l’action bonne parce qu’elle exige beaucoup. Alors comme des larves, on s’abandonne dans sa misère morale. Une élite qui a en mémoire les atrocités coloniales telles que les crimes de Léopold, les travaux forcés, l’inceste imposé par les armes et d’autres humiliations peut-elle régresser au point de priver à ses semblables leurs droits fondamentaux ?Une élite qui a dénoncé l’Apartheid et qui n’a pas hésité à lutter contre ce régime par le soutien apporté à ses opposants ne pouvait se comporter tel qu’on la voit faire aujourd’hui, oublieuse de sa tâche colossale, écrasant le peuple avec une facilité déconcertante.


Mandela avait foi en l’Afrique. A la différence de la génération qui le suit, il rêvait de Noirs et d’une Afrique mieux éduquée, d’une Afrique plus moderne que ne minerait plus les tensions ethniques, d’une Afrique plus sensible à la condition de l’homme, et d’une Afrique plus digne tout simplement. Tel était son programme. Malheureusement, arrivé aux affaires broyé par une longue et pénible détention, âgé et pressé de passer le relais à d’autres, Mandela n’a pas eu le temps de réaliser son rêve.Que laisse-t-il en place de tout cela ? Une Afrique plus pauvre malgré l’accroissement des ressources dans nombre de ses pays, une Afrique où règne en bien d’endroits l’analphabétisme, l’esclavage infantile, une humanité dégradée, une Afrique institutionnellement faible, une Afrique morcelée proie de pirates et d’aventuriers sans foi ni loi. 

Cunctator.

mardi 14 mai 2013

La responsabilité des élites dans le naufrage de l'Afrique

Qu’on me pardonne, mais je ne crois pas que l’Afrique avance dans la bonne direction, promesse tenue. La bonne santé d’un pays, dans l’ordre de l’économie, du politique et du social, ça ne relève pas de la croyance, mais de l’évidence; ça se voit! A moins de refuser d’établir une différence entre rêve, utopie, Histoire et réalité.

Les politiques repus nous ont tant fait rêver! C’est sur la confusion du rêve et de la réalité que, justement, en Afrique surtout, joue la classe politique attachée à maintenir la société et tous ces braves gens dans l’obscurantisme et l’ignorance des devoirs et des obligations de la classe politique envers le peuple au bonheur duquel elle est censée travailler. En Afrique noire, avec la pauvreté et l’intimidation, l’obscurantisme et l’ignorance sont devenues moyen de gouvernement et de gestion sociale.

Le phénomène apparaît aux indépendances, avec l’émergence d’une élite intellectuelle que, un peu prise de court et étant alors hors de question, l’administration coloniale n’avait pas eu le souci de former. Sans forcer le trait, on peut affirmer que la descente aux enfers de bien des pays africains, sinon tous, commence avec l’arrivée au pouvoir d’une élite formée en Occident et ailleurs en Europe.

Pour le salut de l’Afrique, on est tenté de penser que, l’indépendance octroyée ou arrachée de force, il eut mieux valu qu’on en restât à tâtonner et à bricoler avec les politiques semi-analphabètes formés sur le tas, sous la coloniale! Chez beaucoup d’entre eux, en effet, cette droiture, ce sens proprement républicain du bien public et sa conséquence logique immédiate, ce dévouement et cet empressement à servir. Ils sont, tous, morts aujourd’hui; en tout cas, il ne reste d’eux qu’un petit nombre de survivants qui doivent regretter d’être encore en vie pour assister, impuissants, au désastre de leurs pays qu’en les chassant du pouvoir, l’élite s’était engagée à conduire au soleil. Les foules se prirent au mirage. Ces blancs becs avaient, en effet, pour eux, au rebours de leurs aînés de la coloniale, la jeunesse et d’avoir fait de hautes études. Les hautes études qui permettent, lorsqu’on en use de façon raisonnable, d’entrer en modernité. Ces blancs becs, autre avantage, avaient pour eux, le grand nombre pour cette tâche immense qui demandait des bras nombreux. Depuis, on les compte par plusieurs dizaines au kilomètre carré. Sur ce point, l’Afrique rivalise avec l’Occident; la différence est seulement dans le rendement. C’est vrai que l’Afrique n’a jamais été aussi mal en point que depuis que cette élite nombreuse est aux commandes. Mal en point, on en meurt d’étonnement, si on pense à ce qu’elle devrait être, cette Afrique aujourd’hui. Toutes ces richesses fabuleuses! Tout ce qu’il faut pour être ce qu’on appelle une puissance. Or, la puissance, il faut des hommes pour la vouloir et la construire, en concevoir le dessein et s’en donner les moyens; des moyens humains, sans doute, d’abord des hommes de sciences et de laboratoires, des politiques consciencieux.

L’Afrique possède, c’est vrai, un nombre impressionnant d’hommes bien formés dans les domaines les plus divers qui déterminent l’entrée en modernité, une élite. Celle qui explique le décollage et l’essor des pays d’Asie, dont, pour beaucoup d’entre eux, il y a encore moins d’un siècle, on aurait parié qu’ils ne s’élèveraient jamais au niveau où on les voit aujourd’hui. Mais, l’existence des scientifiques et des techniques n’est encore rien, sans une classe dirigeante attentive à la constance dans l’effort et la volonté vers la réalisation du bonheur collectif, la poursuite d’un idéal. La volonté de dépassement de soi comme principe d’organisation politique, l’effort pour transcender ses appétits égoïstes avaient-ils figuré comme pivot de la pensée et de l’action de ceux qui prirent le relais des pionniers de l’indépendance de l’Afrique?

La chaîne causale en histoire n’est pas celle des mathématiques. On peut, cependant, penser que, chaotique, certes, la situation sociale de l’Afrique ne serait pas tout à fait ce qu’elle est aujourd’hui, si les choses avaient été ainsi: des politiques soumis à la loi, respectueux de l’homme et tendus vers la réalisation de l’intérêt général, dans l’égalité et la justice. Au lieu de quoi, on voit arriver au pouvoir, des jeunes gens sans expérience dans la gestion des affaires humaines, prétentieux, bardés de théories sur la construction du bonheur des communautés humaines. La violence comme moyen pour conduire la société au bonheur eut leur préférence. Ils mirent entre-parenthèses les droits de l’homme les plus imprescriptibles, au nom du bonheur à donner à tous.

Mais, comme cette nouvelle classe politique composée de gens qui se donnaient pour des intellectuels n’était animée de l’intérieur par aucune conviction, par aucune motivation susceptible de déterminer chez eux des comportements citoyens, la première démarche fut de se soustraire à l’autorité de la loi. Venus de nulle part, pour la majorité d’entre eux, et dont les origines obscures avaient longtemps alimenté les fantasmes du pouvoir, du prestige et des avantages sociaux attachés aux fonctions de gouvernement, ces hommes nouveaux eurent beaucoup de mal à servir l’intérêt général. Leur rhétorique était républicaine, les pratiques terriblement anti-démocratiques. Parce qu’elles servent ses intérêt, l’élite au pouvoir organise la pauvreté et la misère qui, en creusant le fossé et les écarts entre gouvernants et gouvernés, mettent les populations à leurs pieds. Inaptes au débat public contradictoire que l’élite s’efforce de rendre impossible. Et pour le rendre le plus longtemps impossible, ou du moins difficile, l’élite au pouvoir utilise ce que le sociologue appelle la violence symbolique, et réussit l’exploit de convaincre la masse des petites gens des bidonvilles que (pourtant visiblement catastrophique) la gestion sociale du gouvernement en place est, en vérité, la meilleure dont elles puissent rêver.

Le cynisme tranquille d’une telle élite creuse, chaque jour, qui vient le sous-développement de l’Afrique, et ce n’est pas l’enrichissement illicite de l’oligarchie qui refuse d’investir dans son propre pays, l’argent qu’elle lui vole, qui tirera l’Afrique du bourbier où l’a jetée une classe politique composée d’aventuriers de la politique, descendants lointains mais efficaces des négriers dont ils perpétuent les pratiques effrayantes. Dans ces conditions, ce n’est pas pour demain, les bonnes écoles, les bonnes institutions de santé publique, l’essor économique, la croissance, l’élévation de l’indice de développement humain.



lundi 8 avril 2013

L'amour au coeur du projet Politique

« Dans tout ce que l’homme entreprend, rien jamais ne se fait, ni sans doute ne se fera de beau et de grand sans amour »

Ferdinand Mbaou.



Bien que galvaudé, avili, diminué et mal entendu, les différentes acceptions de l’amour se joignent pour désigner une sorte de grandeur et de noblesse qui diminuent chez celui qui en est imprégné l’impétueux besoin d’être, cette violente inclination à affirmer son moi. L’affirmation de ce moi dans sa plus grande expression est un égoïsme exécrable, que, à moins d’être d’un cynisme éhonté, tout le monde, même les parangons de cette boursoufflure du moi, s’accorde à condamner, même si le plus souvent ce n’est que du bout des lèvres.

On reconnaitra avec toutes les traditions religieuses ou philosophiques qui le mettent au cœur de leur enseignement ou qui lui accordent une place importante pour la progression de l’humain, que l’amour se veut détachement ; il exige de lâcher prise. Mais lâcher prise sur quoi ? Nos passions, notre volonté de puissance, notre volonté de pouvoir, notre inextinguible soif de posséder. Même du côté de l’attachement conjugal, aimer est difficile pour des amants qui ne savent pas se délester d’un peu d’eux-mêmes pour se laisser combler par l’autre. Ce qui est en principe don, élan vers l’autre dans la bienveillance et la douceur est réduit à la satisfaction de l’égo. Un tel amour de concupiscence ne grandit pas, car après la satisfaction vient la saturation, d’où les frustrations et les insatisfactions.

Au-delà de la nécessaire diminution de soi qu’il exige, l’amour est une ouverture d’amitié et de compassion sur l’autre et aussi tous les autres avec qui l’expérience humaine est partagée et qu’il n’est pas à priori légitime d’aimer. C’est ainsi que l’amour, comme chez les chrétiens est amour du prochain. Pour cela, il est une vertu sociale. Et c’est en tant que vertu sociale qu’il a son importance dans la pratique de la politique. L’exercice du pouvoir politique étant l’art d’organiser les rapports sociaux, fondé sur l’amour, gagnerait en efficacité. Il favorise, en effet, les rapports harmonieux et équilibrés dans lesquels chacun est dévoué au bien de l’autre. Pourtant objectera-t’en, et c’est légitime, que faire de l’amour le fondement d’un projet politique, dans un monde où les intérêts sont si intriqués et les choses toujours plus complexes, confine à une naïveté impropre à qui veut gouverner. Car gouverner c’est diriger en tenant comptes les données immédiates pour les infléchir dans le sens de nos intérêts politiques. C’est donc être très réaliste Or, qu’y a-t-il de plus vrai que l’amour de sa patrie?

En envisageant les bénéfices qu’il y a au bout du rouleau de cette pelote de bienveillance et de compassion, dont le mot dans lequel il est figé seul fait frémir les brutes et les sans cœur, il n’est ni fou ni naïf, mais plutôt courageux, surtout lorsque le quant à soi et l’égoïsme mènent le monde, d’oser l’amour dans la politique, activité pourtant noble, mais si pourrie qu’elle ne confine plus qu’à une abjecte mesquinerie et à une désolante pusillanimité, aimer son pays et les siens n’enlèvera rien aux aptitudes nécessaires à l’action politique, mais elle les sublimera, car une action orientée vers un bien beaucoup plus grand que soit-même ne peut qu’être noble.

En principe, lorsqu’elle n’est pas avilie par l’action de dirigeants mesquins trop habités de l’amour d’eux-mêmes, la politique tend à la félicité humaine. Tendre à un idéal si grand suppose qu’on aime plus que suffisamment sa patrie pour nourrir les plus hautes ambitions à son égard. « S’agissant de la construction d’un pays désiré toujours plus beau et plus riche par ses ressortissants, pour qu’il devienne effectivement tel, ceux-ci doivent l’aimer d’amour. Les Romains qui l’avaient compris plaçaient l’amour en tête des valeurs à inculquer au citoyen, dès le plus jeune âge. Ils disaient nous devons placer l’amour de la patrie au-dessus de l’amour dont nous nous aimons nous-mêmes » (Ferdinand Mbaou). C’est ce amour qui plus tard devint la vertu politique de Montesquieu reprise par Robespierre. «La vertu politique, dit Montesquieu, est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l'amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence. (…) C'est la vertu ; je parle de la vertu publique, qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome, et qui doit en produire de bien plus étonnant dans la France républi­caine; de cette vertu qui n'est autre chose que l'amour de la pa­trie et de ses lois. »

Facile tant qu’il ne s’agit que d’affirmer des principes avec la mauvaise foi des pharisiens, la pratique de l’amour est d’une difficulté presqu’insurmontable si on n’est pas armé de la volonté si grande de ceux-là en qui la postérité reconnait des héros. Une volonté que ne donne que la conscience du devoir, pour qui n’entend pas naturellement les commandements de l’amour. Hélas ! il s’agit de nous tous. Comme les autres vertus, celle qui nous concerne dans ce propos ne s’acquiert pas sans d’importants efforts, sans les renoncements que les faibles et les tièdes trouvent à priori difficiles.

L’amour est cette disposition par laquelle d’aucuns fournissent le meilleur d’eux-mêmes, jamais pour eux-mêmes, mais toujours pour les autres (optimi ad alios). C’est en cela que réside sa difficulté, car la bonté, la justice et l’attention au bien-être des autres, lorsqu’elles ne sont pas innées où lorsqu’elles n’ont pas été reçues très tôt, pour s’acquérir, requièrent un pénible apprentissage pendant lequel il faut gravir, non sans redescendre, une pente raide et escarpée. C’est de cette façon, rude certes, que s’obtient la plus douce et la plus belle des vertus. Animés d’amour, l’égoïsme, la violence et de l’injustice qui nous embarrassaient, perdent leur empire sur nous. Une organisation politique et administrative menée par des hommes mus par cette soif de bien en eux et autour d’eux aura le souci de l’homme, qui pourra plus aisément qu’ailleurs déployer toute la grandeur que son fond recèle.

En effet dans une organisation au sein de laquelle règne l’égalité, les talents, et non les privilèges, sont les moyens de la promotion sociale ; la séparation des pouvoirs rejette au loin l’autoritarisme, marre dans laquelle barbotent, telles des larves de quelque bête malfaisante, les vices qui n’ont à craindre ni personne, ni la loi, ni une autorité supérieure. La liberté y est admise, elle favorise la possession, la création et le fleurissement des arts, des lettres et de la pensée. Les esprits supérieurs peuvent dans un tel climat répandre, sans être inquiétés, leurs idées subversives et progressistes. Un prince élevé dans les principes de l’amour, quelle que soit l’école qui les lui a enseignés, gouvernera presque naturellement dans le sens du bien public, les penchants mesquins qui font les tyrans lui seront inconnus. L’a crainte du mauvais coup, la jalousie, l’ambition, l’avarice et toute autre méchanceté qu’on on observe chez les courtisans et les mauvais princes qui s’illustrent par la confusion des ressources publiques avec leur cassette personnelle, se gavent de mets et de boissons raffinés, se bâtissent des demeures splendides, s’acoquinent volontiers avec les voleurs du peuple auxquels ils font de somptueux cadeaux, sembleront des fables à son esprit tant elles lui seront inouïes. Un prince aimant sera une étoile éclairant et indiquant le chemin que la voute sombre, royaume des grands méprisant toute élévation qui contribuent à la corruption des âmes, avait enveloppé de sa nuit opaque.

Osons donc l’amour bien de grande valeur grâce auquel on est rangé parmi les meilleurs des hommes, et grâce auquel on est utile aux hommes. Libérons nous de l’esclavage des monstres hideux que sont l’avarice, les petites ambitions, la suffisance, l’égoïsme, qui dissimulées derrières leurs beaux atours entravent le chemin vers les attributs honorables de la dignité humaine chère à Pic de la Mirandole, Lefèvre d’Etaples et à tous ceux à travers les différentes civilisations qui reconnaissent que la dignité propre à l’humain recommande une attitude particulière à son égard, tel le kimuntu des Bantus.


Cunctator




mardi 26 mars 2013

Démocratie et progrès à l'épreuve de l'ultralibéralisme.

La démocratie est à ce jour, dans ses principes du moins, le régime qui favorise le mieux l’éclosion de l’homme dans toute sa splendeur, mais l’application effective de ses principes n’a rien d’aisé, car elle est un régime des hauteurs. La vivre véritablement suppose de débarrasser l’homme de sa pesanteur, de réduire sa charge d’égoïsme et de mesquinerie, car ce régime exige, pour briller de tous ses feux, des hommes magnanimes. C’est pourquoi elle doit demeurer une quête permanente. Le moindre relâchement, la plus petite négligence quant à ce vaisseau en route vers la félicité, dont la barre et les instruments de navigation doivent être surveillés en permanence mènent à des dérives et des régressions dangereuses auxquelles les gredins n’hésiteraient pas à exposer ceux qu’ils ont la charge de conduire (la démocratie n’est pas pour eux). Vigilance, donc ! Tel est le mot d’ordre. En tous instants, en toute circonstance. Au niveau des individus, il s’agit de vigilance envers soi-même, envers son engagement citoyen d’abord, puis vigilance envers le fonctionnement des institutions. vigilance quant à la force de la loi, sans laquelle les institutions n’ont de sublime que la beauté des murs qui les abritent. Leurs frontons, leurs colonnes, leurs frises, leurs statues, ne cessent pourtant de nous rappeler la grandeur et la noblesse des premiers qui en instituèrent les principes et de ceux qui les portèrent jusqu’à nous.

L’aventure démocratique occidentale, hormis son aïeule grecque dont le terreau était une certaine idée de l’homme, mesure de toute chose et par essence libre, n’était pas le fait d’une constitution particulière de l’homme d’Occident, mais elle était fille de l’audace et de l’insoumission, seules capables d’inventer d’autres possibles. Soutenue par une pensée juchée sur une conception élevée de l’homme et par conséquent des rapports sociaux et des institutions qui les régissent, au secours desquels s’étaient plus tard portées des actions militaires ou des soulèvements populaires, la démocratie finit par s’imposer en Occident et être portée en triomphe, dressée sur un char dont l’attelage était fait de la loi, de l’égalité, de la liberté, de la séparation des pouvoirs, du pluralisme, du respect de la dignité humaine. Enracinés, tels de vieux chênes, dans l’esprit et les institutions occidentaux, ayant eu le dessus sur leurs adversaires idéologiques d’hier, les principes de la démocratie, renforcés par leur victoires historiques, furent propagés avec un succès relatif au-delà de leurs limites traditionnelles. Ils furent reconnus et acceptés par des peuples qui, quoique les vivant peu du fait de barrières plus politiques que culturelles comme on veut souvent le faire croire, y aspiraient néanmoins fébrilement.

Aussi, même acceptés, dans ces contrées peu habituées à cette façon d’organiser la vie politique, comme la parole de l’Evangile tombant sur un sol rocailleux, ces principes ne purent-ils germer partout où ils furent semés. Elle ne germa pas faute d’y croire, mais elle n’advint pas par défaut de batailles. Aux hommes vaillants les grandes choses, aux sociétés lutteuses le progrès. La démocratie, la vraie, la révolutionnaire, nous dit l’histoire, ne s’instaure que par la lutte. Son avènement menace les pouvoirs, les privilèges, les rentes, les aristocraties, elle fait place à la véritable noblesse celle du partage, de la justice, de l’égalité et de la liberté.

Cependant, nous l’avons dit, le progrès est fils de luttes, de dépassements, de privations toujours plus grands pour donner cours à des meilleurs lendemains. C’est pourquoi les plus grands progrès politiques et sociaux sont souvent précédés de périodes plus ou moins longues de souffrance, d’étouffement, de frustrations, de honte. Lorsqu’ils surgissent enfin, ils sont accueillis avec liesse et souvent ébahissement car ils libèrent. Or depuis la Libération, la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, l’Occident libéré n’a plus eu à connaitre les hésitations de l’histoire, atermoyant entre évolutions et régressions. Habitué à une paix merveilleusement longue comparée aux détonations que ne manquait pas connaitre toute génération ou presque, et à un progrès technologique époustouflant auquel les masses accèdent sans encombre, l’Occident (et le reste du monde crée à son image) vautré dans son confort a oublié le tragique de l’existence. En même temps qu’on y crée le progrès tel qu’entendu dans la société ultra libérale, on s’y amuse à un point qui confirme que l’homme, qui y était jadis volonté de conscience y a perdu la tête ; on le croirait devenu volonté d’insouciance. Les préoccupations qui le plongeaient dans de graves méditations sur sa condition et son devenir on été balayées par un excès d’assurance qui l’a plongé dans une profonde inconséquence. La facilité inouïe de son existence aussi banale qu’insipide en a fait un être désincarné, malléable et dangereusement servile. C’est preuve que ce progrès-là est malsain. Contrairement au progrès d’antan qui se voulait collectif, affectait la société dans sa globalité et révélait à l’homme sa dignité, celui-ci il est plutôt abrutissant. Il produit des imbéciles savants complètement détournés des questions non seulement personnelles nées de la volonté de savoir et de comprendre, caractéristique de l’homme, mais aussi des préoccupations collectives, les seules capables, parce qu’elles révèlent les véritables conditions de l’épanouissement des êtres sociaux, de hisser l’homme social au-dessus de la médiocrité.

Sous l’impulsion de ce progrès déshumanisant, qui stimule chez l’homme le désir de s’encombrer matériellement, le gave de nourritures bourratives sans réel apport, et favorise un quant à soi si loin de l’individualisme des Lumières (oser penser par soi-même, se libérer des vérités imposées, développer l’esprit critique…), les capacités revendicatrices dont l’écho est amplifié lorsqu’elles sont portées par des mouvements collectifs se sont vu rétrécir comme une peau de chagrin. Il n’y a qu’à voir, sous le règne de l’ultra-libéralisme, il faut le nommer, tout ce qui caractérisait un engagement pour la défense d’intérêts collectifs rétrécit de façon effrayante : adieu syndicats, adieu militantisme ! Effrayé, leurré et surtout occupé par cette société chronophage où faute de temps à soi, on rechigne à en donner pour la collectivité, le peuple s’est vu remplacé par des défenseurs qui roulent bien peu pour lui : les technocrates et les experts.

Les libertés individuelles chèrement acquises, dont, à vrai dire, la conscience chez les individus d’aujourd’hui se limite à la possibilité d’aller et venir et d’étendre chaque jours un peu plus l’emprise de la bêtise, sont menacées sous les yeux de ceux-là mêmes à qui elle confère des privilèges. Les libertés publiques maintenues avec une habileté d’artiste ne sont plus qu’un épouvantail, en tout cas tant qu’elles ne serviront pas les buts pour lesquels elles ont été instituées, elles demeureront des armes inefficaces. Tout le monde a ce mot à la bouche : démocratie, mais semble oublier que ce régime implique des citoyens responsables et impliqués dans le devenir de leur société. Il implique également qu’on fasse attention à la conduite des affaires. Confier les rênes à des instances aux mandats importants et peu comptables des choix qu’elles imposent, qui ont réduit le peuple à un rôle de téléspectateur qui donne son avis lors de consultation graves avec la légèreté et la désinvolture qui convient à une élection de miss, est sans conteste une régression démocratique que rien ne justifie.

Pourtant, malgré sa tendance moutonnière, ce n’est pas vraiment au peuple qu’il faut en vouloir. Brouillé par le discours des politiques de gauche et de droite qui, défendant moins ses intérêts que ceux des puissants, appliquent à quelques nuances près les mêmes politiques, le peuple d’Occident, jusque-là jouant ce jeu du ni-ni, montre des signes de lassitude et peu à peu sourit aux thèses populistes.

Cunctator.

jeudi 14 mars 2013

Juifs et Nègres: destins parallèles, similitudes et différences

Scientifiques et technologiques, culturelles et artistiques, les conquêtes de l’homme dans l’odyssée de l’Histoire ne sauraient, cependant, consoler l’esprit qui pense, du sort effroyable fait, dans le même temps, aux Juifs et aux Nègres discriminés pour non-conformité au modèle universel de l’humanité défini de façon arbitraire par une partie de l’humanité, les Européens.

Cupide et comploteur, le Juif est tout simplement «invivable». Sa place est aux marges de la société blanche bon teint où il est tenu à l’œil, sous surveillance permanente. A quoi le reconnaît-on? A son nez crochu de rapace.

Au ban de l’humanité aussi le Nègre; mais pour des raisons différentes, tout autres: son physique répugnant, le reflet de vices monstrueux. La droite humanité en vient alors à douter de son statut d’humain. Voilà pourquoi l’Occident chrétien, tout au long de l’histoire, peut lui infliger, la conscience tranquille, ce traitement dont on épargne les bêtes elles-mêmes les plus féroces.

Juifs et Nègres seront, en effet, à travers l’histoire, dans les formules les plus diverses, sujets de maltraitance de la part du reste de l’humanité. Des commencements de leur histoire à la création de l’Etat moderne d’Israël, les descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob connurent les pires choses qui puissent arriver à un humain: l’esclavage, la déportation, les pogroms et la shoah, le projet sinistre de leur extermination. Les tuer tous, jusqu’au dernier, de façon à effacer leur mémoire même de la terre des vivants! On reste effrayé par tant de barbarie.

Le destin des Nègres est à peine différent de celui des Juifs. Esclavage, déportation, même dans leur propre pays, en sécurité nulle part, toujours errant, comme les Juifs. En paix avec le Blanc juste le temps de dissiper le chagrin de celui-ci; car le Blanc est sujet à la tristesse et au chagrin que le Nègre chasse ou dompte par la trompète de son rire et par ses facéties. Le Nègre est, pour le Blanc qui le méprise, juste un instrument à sa disposition; il ne peut l’aimer. Et lorsque cela arrive, il faut le ranger au registre du mystère. Cette identité existentielle des Juifs et des Nègres exilés loin des autres «humanités» n’inspira, cependant, pas aux deux damnés, des logiques identiques pour s’en sortir.

Cette différence des logiques et des stratégies allait donner des résultats contrastés que du reste, les différences de départ du contexte sociologique de production de ces logiques laissaient pressentir. L’historien peut alors, après coup, dire pourquoi, alors que tout au long, elles furent toutes deux un drame continué, l’aventure des Juifs se termine plutôt bien, en tout cas pas plus mal que cela, alors que celle des Nègres se termine par un naufrage. C’est que, dès le départ, les Juifs formèrent un groupe que le lien biologique et de sang entre ses membres soude autour des mêmes normes et des mêmes valeurs en quelque chose de si fort que le temps qui passe l’entame à peine. La communauté juive se forge au contraire au fil du temps et de l’affrontement avec soi et l’extérieur ce caractère trempé et bien affirmé qu’on sait du Juif. Et cela fait que, mal aimés, haïs, mais sourds à l’invective, les Juifs se dressent face au destin et avec une male obstination, frappent aux portes du futur. Pour le juif, les horizons du futur ne sont jamais bouchés que pour un temps; le temps de l’épreuve inspiratrice de stratégies et de ruses nouvelles pour la contourner ou la surmonter.

C’est presque la marche des Juifs à travers l’Histoire qui s’inscrit dans la dialectique mouvementée entre le passé, le présent et les incertitudes et les possibles du futur. Jamais au repos, toujours en route, le Juif inquiète. Une victoire sur lui n’est jamais que provisoire.

Le Juif refuse la défaite. Il se sait mal aimé. Mais, il ne baisse jamais les bras et, volontiers, ferait sienne cette maxime latine: «Oderintdum me metuant» (Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent!».

En face du Juif marchant toujours la tête haute, le Nègre résigné. Prométhée et Sisyphe ne sont pas de sa race. Fataliste, il s’avance vers des horizons bouchés pour de bon. Voilà pourquoi il cultive des sagesses terre-à-terre, juste pour la résolution des problèmes de la quotidienneté.

Qu’est-ce donc qui fit des descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au commencement, banale, bande (au sens sociologique et ethnologique), de chevriers, les fondateurs surprenant de cet étonnant Etat d’Israël? Pour les croyants, Dieu écrivit de bout en bout l’histoire d’Israël, ayant fait des descendants d’Abraham, son peuple élu. L’historien, lui, place à l’origine de l’épopée juive, le sens de la profondeur de son histoire et la conscience aiguë que la communauté en eut. Cette posture morale et psychologique collective fut le vecteur spirituel de la merveilleuse aventure de ce peuple étonnant.

Dans cette perspective, on peut se demander comment, sans la conscience vivante d’un passé commun qui ne fut jamais, immense continent aux mille nations depuis fragmentées en un grand nombre d’Etats faits de mille composantes ethniques opposées par des configurations culturelles particulières, l’Afrique peut former des Etats où, grâce à la socialisation par tous des mêmes valeurs, deviennent possibles à tant de particularismes, un vivre-ensemble et la projection vers un futur commun vivable?

L’éducation à l’esprit citoyen, vertu cardinale dans la construction de la nation, parce qu’elle rend possible l’adhésion réfléchie aux mêmes valeurs dans une même culture publique, peut-elle suffire, jouant alors chez tous les membres de la communauté, le rôle d’une conscience historique unitaire que, justement, dans le cas de l’Afrique divisée au plan géographique culturel et historique, l’histoire avait rendue impossible?

mardi 19 février 2013

Crise malienne: le désordre et l'irresponsabilité de l'Afrique des plaisantins

Comme le héros des séries télévisées, Hollande l’Africain, est arrivé de justesse sauver de la dérive un Mali bien en mal depuis près d’une année. Un Mali qui se consumait à petit feu sous le regard hagard de ses voisins et des autres Africains, qui pourtant, des intellectuels aux politiques, prônent l’unité africaine, projet hérité des pères des indépendances, avec la foi et la fermeté de ceux qui sont convaincus de l’objet de leur croyance. L’unité tant souhaitée, n’existant que théoriquement et servant de rempart idéologique à des Africains désespérés face à la déliquescence d’une Afrique morcelée en de nombreux états faibles - que renforcerait l’unité tant invoquée - , aurait dû avoir un début d’existence concrète si les Africains, dès les premières heures avaient saisi le problème malien à bras le corps. Ils auraient ainsi démontré à tous les sceptiques que leur grand rêve n’est pas une utopie de plus. Quand bien même l’unité n’est affirmée que du bout des lèvres pour se consoler des malheurs actuels de l’Afrique, il est néanmoins triste que des gens qui se réclament d’une sagesse depuis érigée en philosophie dont un proverbe affirme que c’est dans la souffrance qu’on reconnait ses amis, aient à ce point manqué d’élan solidaire et amical envers un voisin en détresse.

Sans l’intervention généreuse de la France de François Hollande, ce pays qui réclamait assistance à ses voisins Africains serait tout entier aux mains d’une bande obscurantiste, irrévérencieuse devant le sacré acharnée quant à l’instauration dans ce pays exemple d’un Islam tolérant, d’un islamisme brutal et rétrograde, qui occupaient déjà sa partie septentrionale. L’Afrique a applaudi Hollande, mais a oublié de se conspuer, de huer sur elle-même. Il n’y a que dans ce continent qui conjugue les paradoxes avec une facilité rarement vue ailleurs qu’on souhaite à s’époumoner une véritable indépendance sans toutefois se doter, bien qu’en ayant les moyens, de l’attitude propre à l’autonomie. Bien que salutaire l’intervient de la France pour sauver le Mali est un camouflet pour l’Afrique. Une claque cinglante qu’on entendra raisonner encore longtemps. Cette intervention, en effet, expose davantage les faiblesses criardes de l’Afrique. Scandaleux, scandaleux ! Camouflet certes, mais salvateur si, enfin sortie du berceau dans lequel elle dort depuis des millions d’années, acceptant enfin de ne plus être un enfant, l’Afrique ose se regarder telle qu’elle est vraiment au lieu de s’évader toujours dans le rêve de ce qu’elle pense avoir été autrefois et de ce qu’elle aimerait être. C’est une attitude peu courageuse ; c’est fuir ses responsabilités et surtout renoncer à l’action. Or il n’y a qu’en se confrontant aux choses qu’on les affronte, jamais en leur donnant un tour moins dramatique dans nos réflexions ou en se réfugiant dans des fables pour se consoler d’une historicité si obscure qu’on en a honte. Pourtant, une mère, même pauvre et misérable, n’est pas moins une mère ; ses enfants conservent l’amour et l’affection qu’ils ont pour elle. Affronter la réalité, avoir un discours réaliste et non se bercer sans cesse d’illusions, voilà le meilleur moyen d’avoir prise sur son destin et de le transformer ; autrement on le subit. Ce n’est que par l’action et la volonté de se hisser au niveau des meilleurs que les champions d’Asie sont parvenus à leur niveau actuel. L’Amérique latine ayant mis en place les mécanismes institutionnels et informels d’une véritable intégration sous continentale adopte une vis-à-vis du gendarme d’hier, les USA et des esclavagistes financiers internationaux que sont les institutions monétaires internationales une posture que seuls peuvent susciter la volonté de prendre son destin en main.

Décalée quant à l’action, et c’est là le drame de ce continent désarticulé, les élites africaines le sont aussi quant à la pensée. L’Afrique pense peu et n’a pas le courage de se penser telle qu’elle devrait. Parmi ses nombreux universitaires très peu sont parvenus, du fait leurs recherches, à devenir des spécialistes des questions qu’ils traitent, de sorte que leurs résultats édifient ce continent qui a grand besoin de science. Ils ne sont pas devenus des sociologues, des philosophes, des historiens, des physiciens, mais ils sont restés professeurs de ces matières. Dotée d’une telle réserve de savoir, quoique en nombre encore insuffisant, l’Afrique devrait s’ausculter, regarder au-dedans d’elle pour saisir ses logiques et dynamiques propres afin de les modifier lorsqu’elles ne sont pas bonnes ou de les améliorer. Non seulement l’Afrique pense peu, mais encore, elle pense de façon désordonnée. C’est d’une pensée ordonnée que surgit l’ordre matériel, que tout ce qui était éparpillé, désarticulé, démembré, décousu est remis en état. Ce qui se pense bien, pour paraphraser Boileau, s’exprime bien, donc prend une forme concrète reflet la pensée qui l’a conçue. L’excuse on la connait, mais ce n’est pas seulement une excuse et les Africains pour guérir doivent en tenir compte : une histoire malheureuse a façonné son destin, l’a sans doute affublée de complexes si forts et d’un effrayant manque de confiance qui lui ont ôté les déterminants de la réussite et la font avancer tel un automate, ne sachant pas vraiment où elle va, se cherchant tuteurs et mentors, surtout après ses indépendances obtenues presque trop facilement hormis les rares pays où elles furent l’issue d’âpres combats.

En termes d’action l’Afrique a la palme du folklore et du ridicule. Action entendue comme action politique d’envergure. Pour sortir de la détresse l’histoire est truffée d’hommes exemplaires, dotés d’une intelligence que taquine une profonde sensibilité aux choses des hommes et doués de cette capacité à envisager d’un regard le devenir des sociétés dont ils se chargent d’infléchir le cours par leur geste. L’Afrique a peu de grands hommes, Mandela fait figure de transfuge dans une bande de cancres. Elle est gouvernée par des histrions sans aucune notion de l’Etat et de la gravité qu’une gestion responsable de celui-ci exige. Quel spectacle affligeant que de voir ces clowns de chefs dont certains donnent l’impression de ne s’être jamais remis de leur accession inespérée aux commandes. Très peu en effet ont l’étoffe d’un chef. L’air niais et repus d’eux-mêmes et se congratulant éternellement de leur insuffisance spectaculaire. Ubuesque ! Comment s’étonner alors que les choses aillent mal, quand aux commandes se trouvent des plaisantins éloignés de tout souci de cohésion et d’ordre ? En dehors de quelques pays exemplaires, l’Afrique souffre de désorganisation à tel point que de nombreux Etats n’ont d’Etat que le nom. Pas d’Etat, pas de loi, pas de progrès. Le chaos ! Une Afrique organisée aurait trouvé une solution au problème de la RDC et des autres pays non administrés dont les structures de l’Etat ne servent qu’à des fins mafieuses de redistribution de prébendes dans lesquels abandonnées, les populations n’en finissent pas de survivre et ont arrêté de rêver de vivre décemment.

Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.