positionner pour en tirer les ficelles, y trouvèrent leur compte ; et s’ils sont encore en vie, sont aujourd’hui heureux ; si le bonheur se définit en termes de possession d’une masse élevée de biens matériels, et de reconnaissance sociale. Pour le peuple qui l’avait acclamée, la révolution
congolaise de 1963 reste une terrible illusion.
Cela n’empêche, à mon sens du moins, que cette révolution congolaise de 1963 fut un évènement « épochal », un évènement qui marque une césure dans le cours de l’histoire de notre pays désormais coupée en deux périodes présentant chacune ses caractéristiques distinctives : unité générale de ses façons de sentir, de penser et d’agir, à partir de quoi il devient parfaitement licite de parler du Congo d’avant 1963, et du Congo d’après 1963. Mais si cette révolution congolaise de 1963 fit évènement épochal, ce fut moins par l’instauration d’un régime politique nouveau, l’ascension politique et sociale foudroyante d’hommes surgis de nulle part imprimant cependant au cœur de l’Histoire de leur pays leur marque personnelle dont allait dépendre par la suite l’évolution de cette histoire, que par la sécrétion et la structuration de nouvelles mentalités collectives dans une configuration qui fait apparaître ces deux périodes de notre Histoire dans un rapport de violent contraste.
Elle apparaît comme la conséquence désastreuse du déficit d’un système éducatif fait de bricolage, et abandonné, dans l’enseignement primaire et secondaire, à un corps d’agents formés à la hâte, même si certains d’entre eux présentent de réelles aptitudes au métier d’enseignement et sont loin d’être des cancres. Naturellement, même doué, le sujet qui sort du primaire et du secondaire avec des connaissances vagues, approximatives ou lacunaires est mal parti pour suivre des études supérieures. Impossible d’aller jusqu’au bout sans tricher. Comme il a de grandes ambitions, et que les diplômes délivrés par l’enseignement supérieur sont les moyens de réalisation de ces ambitions, il ne résiste pas longtemps à la tentation de la fraude, d’autant plus que des agents de l’administration et certains enseignants l’organisent, encouragés par le vent de fraude qui souffle sur la société tout entière. Mais la fraude, la concussion et la corruption, en quoi se résument les antivaleurs qui empoisonnent aujourd’hui le sommeil du Président de la République du Congo et de tout homme de bien, ne sont que des signes de la dégradation morale d’une société plongée dans une profonde crise d’identité par deux générations de monopartisme hypocrite et brutal où la morale et les principes sains de régulation des rapports sociaux furent moqués et viciés ; tandis que, institutrices oublieuses de leur mission d’éveilleurs des consciences, peu préparés à faire une lecture informée et éclairée de la société mise en place par les révolutionnaires, les églises chrétiennes piégées par les politiques ne refusaient pas la main que leur tendaient les politiques de tous bords.