lundi 24 décembre 2012

Culture, sociétés, christianisme face au problème de l’homosexualité

Depuis quelques décennies, la pratique ouverte et revendiquée de l’homosexualité divise fortement le monde et les sociétés. En Occident même où, jusqu’à tout récemment, elle fut longtemps combattue comme perversion sexuelle intolérable, elle a fini par être reconnue comme comportement sexuel tout à fait normal. Pour un public occidental de plus en-plus large, l’homophilie a cessé d’être une espèce de maladie honteuse, au même titre que la lèpre dans les sociétés anciennes et au Moyen-Age où les individus qui en étaient affligés étaient frappés d’ostracisme.

Se fondant sur le postulat évolutionniste de l’anthropologie culturelle de la fin du XIXème siècle, et s’érigeant en modèle social universel, l’Occident ne se prive pas, depuis, de traiter d’arriérés culturels et d’attardés de l’histoire, les sociétés et les cultures (nègres et arabes notamment) qui frappent d’interdit l’homosexualité, au même titre que l’inceste. La leçon a porté ses fruits; et, aujourd’hui, ayant pris à leur compte et intériorisé le postulat colonialiste et raciste selon lequel le Nègre ne peut s’humaniser que sur le modèle social et culturel-de l’Occident européen, il se trouve, parmi l’élite africaine, des intellectuels pour, au nom des droits de l’homme, exalter l’homosexualité.

L’humanisme, à la suite du poète latin, nous enseigne à ne nous étonner de rien de ce que l’homme fait. Mais, est-ce-à dire qu’il faut tout accepter? La raison et le bon sens qui sont les moyens de réalisation de notre humanité ne nous imposent-elles pas des limites au-delà desquelles le chemin bifurque pour conduire à la déshumanisation?

On peut, en effet, sur le plan social et du bonheur que poursuit l’homme, et bien entendu sur le plan philosophique, se demander si l’homosexualité non raisonnée, anarchique (le mariage gay est une forme d’anarchie), peut ouvrir sur une humanité vivable sérieusement, tant elle comporte des contradictions.

La première contradiction saisie au cœur de la démarche homosexuelle étant ce violent désir de procréation et de descendance qu’on sait impossible en dehors de l’union d’un homme et d’une femme; union que, justement, les homosexuels ont en horreur. Sur le plan philosophique, depuis Héraclite d’Ephèse, il est affirmé que l’équilibre de l’univers repose sur l’articulation des contraires. L’homosexualité est ainsi promesse de déséquilibre et de désordre, pour cause de violation d’une loi naturelle, et d’après Héraclite, divine.

Social et humain, le rejet des semblables dans le rapport des sexes paraît phénomène naturel et, donc, normal, vérifié dans la majorité des cas. D’instinct, il semble que les éléments affectés des mêmes signes se repoussent automatiquement. Il apparaît, alors que même si les Occidentaux, à la suite de débats biaisés, sont convaincus du contraire et enracinent des certitudes sur l’invérifiable, l’homosexualité, sans être une pathologie, relève de l’anormalité.

Dans sa société qui la pratiquait ouvertement, l’encourageait même comme procédé pédagogique excellent, Socrate, l’Athénien, (Vème siècle avant notre ère), le fondateur de la philosophie (forme de la culture qui donne à celui qui s’y ouvre les moyens d’une réflexion systématique sur les problèmes de son temps) prend ses distances vis-à-vis de l’homophilie, au grand étonnement de ses disciples. Il la jugeait secrètement indigne de l’homme.

La phénoménologie de la tristesse dont est souvent accompagné le spasme du coït même entre sexes opposés nous en apprendrait beaucoup sur notre sexualité, son sens profond. Nous touchons ici au mystère dont malheureusement l’Occident a perdu le sens.
Les Ecritures sont claires qui condamnent, de façon irrévocable, l’homosexualité.

Dans l’idéal de perfection que poursuit Socrate, une telle pratique n’apparaît pas le plus sûr moyen pour avancer sereinement. Ce donc qui manque à l’Occident qui approuve et exalte l’homosexualité, c’est, il me semble, le courage d’une réflexion systématique sur le bien fondé d’une pratique en Occident, même troublante aux yeux de bien des esprits.

Mais, l’exaltation en Occident de mœurs sexuelles qui choquent les Noirs, restés fidèles à leur culture, peut s’expliquer dans une société où la proclamation de la mort de Dieu et, de ce fait, la libération de la croyance en une transcendance et en un absolu, pendant longtemps garant du sens de la pensée et de l’action humaines pousse l’individu à en faire, en quelque sorte, à sa tête; s’instituant, à la suite des sophistes grecs, la mesure de toutes choses, sans référence à aucun ailleurs et à aucune norme extérieurs à lui, se donnant ses propres lois, inventant ses propres normes de conduite et ses propres valeurs.

Ce qui inquiète, c’est que, dans cet Occident en procès rapide de déchristianisation, des chrétiens se lèvent pour défendre, au nom de la démocratie et des libertés individuelles, des valeurs et des pratiques que leur religion condamne fermement. Il n’est pas difficile de voir dans ces prises de position de ces chrétiens, une radicale remise en question des fondements idéologiques de leur foi, vraisemblablement vécue de façon somnolente et mécanique dans une société consumériste et frivole. Les Ecritures sont claires qui condamnent, de façon irrévocable, l’homosexualité. Or, les Ecritures sont, pour les chrétiens, paroles éternelles qui demeurent, tandis que le temps qui passe emporte les sociétés. Un couple, c’est un homme et une femme dans leurs identités physiologiques différenciées et complémentaires. Pas un homme et une femme de substitution, auxquels, selon le cas, on fait jouer, comme au théâtre, le rôle d’homme ou de femme, juste le temps que dure la représentation.

La nature dont l’humanité paye aujourd’hui le non-respect des principes et des lois (le réchauffement de la planète, conséquence de l’hypertrophie de l’exploitation de la nature par l’homme) la nature avait disposé, de façon sans doute irrévocable, que l’équilibre dans toutes les sociétés de vivants, des végétaux aux animaux, reposerait sur l’organisation des individus en couples composés d’éléments sexuellement différenciés: des mâles et des femelles au plan physiologique et de l’anatomie authentifiés tels, mais qu’un instinct sexuel dévoyé dote des attributs du sexe opposé, et dont la rencontre ne produit pas autre chose, hors l’ivresse des sens que le vieillissement des corps emportera.



Pour toute société sérieuse, l’homosexualité reste une énigme troublante

L’homosexualité pourrait alors relever, soit de la culture (ensemble de représentations et de pratiques propres à un groupe social, liées en gerbes symboliques); le phénomène apparaissant majoritaire dans les classes aisées, cultivées, aux croyances religieuses plutôt vagues; soit, (comme un défaut de fabrication) d’une déviation de la tendance sexuelle normale de son objet propre. Dans les deux cas, nous marchons dos tourné à la nature; nous nous en séparons ou, du moins, nous révisons le lien qui nous rattache à elle.

Des chrétiens de plus nombreux, et tous ceux qui, jusqu’au mariage gay, ses formes extrêmes, défendent l’homosexualité, se fondent sur l’évolution inéluctable des sociétés humaines. Rien à dire là contre. C’est une évidence. Seulement, dans cette évolution inéluctable des sociétés, existent des éléments de permanence, réfractaires au changement, des invariants anthropologiques, qui relèvent de l’homme universel. L’homme n’y touche donc pas sans conséquences graves pour l’harmonie sociale. Invariant anthropologique, tout ce qui se rapporte au sexe et à la sexualité qu’à raison, les sociétés dites archaïques couvrent de mystère et de pudeur, mais qu’au nom d’un prétendu progrès de l’esprit humain, l’Occident désacralise.

Socrate, j’y reviens, en dépit de son irrépressible soif de connaissance des phénomènes de la nature et de la vie, garde ses distances vis-à-vis de l’homosexualité. Pour des raisons philosophiques, assez proches, par ailleurs, des raisons religieuses évoquées plus haut. Pour toute société sérieuse, l’homosexualité reste une énigme troublante qu’il faut chercher à résoudre avec d’infinies précautions, là où on cherche à lui trouver une légitimité.

La rançon de la raison et de l’intelligence humaine serait-elle donc que l’homme se donne la liberté d’aller dans le sens contraire de celui qu’indiquent ces deux facultés, pour faire des choses dont certains animaux même se détournent avec horreur? Et si l’homosexualité comme pratique sociale n’était qu’un problème d’éducation et de milieu social et culturel, comme ce fameux complexe d’œdipe que, du moins dans sa version et ses manifestations européennes, l’Afrique Noire de nos Pères pourrait n’avoir jamais connu, préservée, justement, par son système éducatif particulier et sa vision du monde?

L’homophobie est rangée, dans l’Afrique noire profonde, parmi les valeurs essentielles de sa culture. Du fait des contacts avec les sociétés et les cultures qui professent et pratiquent l’homophilie, un petit nombre d’Africains adoptent, certes, une position moins rigide, par rapport à cette question. Cependant, la profondeur de leur enracinement dans leur culture fait tenir à la majorité d’Africains l’homosexualité pour ce qu’elle est: une chose contre nature qui relève de la sorcellerie, tout simplement. Faire preuve d’humanité vis-à-vis des homosexuels, les tolérer, les accepter même ne signifie pas qu’on est d’accord avec eux. Les fondements philosophiques de leurs pratiques déroutent. Ou alors, il nous faut redéfinir l’homme. Ange ou bête? Les deux, sans doute. Mais, avec pour mission, pour lui, de sans cesse repousser la bête. C’est ce que Socrate avait compris. Le refus de céder à toutes les sollicitations du corps. N’en retenir que celles qui nous servent d’appui pour nous élever.

Dominique NGOIE-NGALLA



mardi 11 décembre 2012

Chronique des temps anciens et modernes : L’Afrique et ses experts

Le Tiers-monde en général et l’Afrique en particulier ont initié des politiques de formation des cadres dont on peut dire qu’elles se sont révélées efficaces. Ce sont souvent des cadres de haut niveau. Et toutes les administrations en sont pleines. L’on peut même dire que dans beaucoup d’entre elles, il y a pléthore. Ce qui conduit à des compressions douloureuses, surtout lorsque les institutions de Bretton Woods s’en mêlent! Mais, il est davantage douloureux de noter que maints cadres des pays africains sont peu ou pas du tout pris pour des experts, par leurs gouvernements. En effet, tout se passe comme si la formation des médecins, ingénieurs, magistrats, avocats, professeurs d’universités, journalistes et tant d’autres spécialistes nationaux n’avait vraiment servi à rien. D’autant plus que lorsqu’ils regagnent leurs pays respectifs, ils sont nombreux à se retrouver dans des cabinets rattachés à la présidence de la République, dans les ministères, les cabinets des ministres ou à la tête des entreprises pour lesquelles ils n’ont pas toujours reçu la qualification requise.

Bien entendu, l’accession à toutes ces structures de direction obéit, dans la plupart des cas, à des critères trop peu orthodoxes pour que l’on puisse s’empêcher de penser à un système relationnel fait de tout le subjectivisme imaginable. Néanmoins, le plus stupéfiant et le plus humiliant à la fois, c’est lorsqu’utilisant pourtant ces cadres, ces technocrates bardés de diplômes et frais émoulus de toutes les universités et grandes écoles de France et de Navarre, d’Orient, d’Occident et même de l’Afrique du Nord au Sud du Sahara, les pouvoirs publics ne leur font pas entièrement confiance.

En vérité, chaque fois que se ressent le besoin de constituer des dossiers stratégiques sur l’état de la nation, ces experts bien de chez nous ne comptent plus pour grand-chose. On leur préfère les experts d’Orient et surtout d’Occident; des fonctionnaires internationaux dont certains sont d’anciens condisciples avec lesquels ils ont rivalisé d’intelligence et de savoir-faire jadis et naguère. Les pouvoirs publics semblent toujours s’abstenir de mettre en compétition experts étrangers et nationaux. Mais peut-être sont-ils d’autant moins sûrs de leurs propres experts que parce qu’au moment de négocier, par exemple, des marchés à l’étranger, ceux-ci se sont plus souciés de leurs 10% que du développement de la nation.

Certes, mais certains experts étrangers ne sont experts en ceci ou en cela qu’autant que leur pays est une grande puissance et leur université ou école de formation et de spécialisation, prestigieuse. Car, le savoir qu’ils croient venir communiquer aux autochtones n’apporte quelque fois à ceux-ci rien qu’ils n’aient déjà su. De même, le «brillant expert» des bords de la Tamise, de la Seine et de l’Hudson est parfois si peu convaincant qu’il se contente d’énoncer des données intellectuelles trop inspirées de sa culture et de son milieu originels pour être utiles au pays hôte. Quoi qu’il en soit, ces experts venus d’ailleurs sont innocents de ce déjà su dont ils viennent nous rebattre les oreilles, puisque nous ne parvenons pas à convaincre nos pouvoirs publics que nous sommes compétents et valons n’importe quel Hyperboréen et n’importe quel Martien!

En fin de compte, seule nous aidera, la conscience que nous devons faire l’Afrique et le Congo par nous-mêmes. Il nous faut absolument forger cette conscience.

Antoine YILA, La semaine Africaine du 11 décembre 2012, Brazzaville, Congo.

Professeur de Littératures française et comparée à l'université Marien Ngouabi, Brazzaville, Congo.






vendredi 23 novembre 2012

La sorcellerie, fille de la misère sociale, de l’ignorance et de la peur


Elle s’observe dans tous les âges de l’histoire, dans toutes les sociétés qui ont, de la nature, une connaissance insuffisante et où la misère économique est grande. La sorcellerie, dans la grande diversité de ses formes d’expression, est phénomène social universel. Elle s’observe dans toutes les cultures, dans toutes les communautés humaines. Elle est, comme la raison, la chose la mieux partagée du monde; mais elle en apparaît comme la forme dévoyée, viciée, son côté des ténèbres.

La variété des formes d’expression de la sorcellerie découle de la grande variété des visions du monde de sociétés et des logiques culturelles de celles-ci. Elle est en concordance du monde, d’autre part, avec le niveau de civilisation matérielle de celles-ci. Il apparaît alors que les sociétés, au plan de la technique et de la technologie, au plan de la formation intellectuelle les plus avancées, développent
une sorcellerie plus sophistiquée dans ses formes, dans les interprétations qu’elles en donnent. La franc-maçonnerie, par exemple et la Rose-croix des sociétés industrialisées peuvent bien apparaître comme les formes évoluées de la sorcellerie primitive restée telle dans les sociétés intellectuellement et spirituellement peu évoluées de l’Afrique noire, de l’Amérique latine et d’Asie. C’est ici que, envers ténébreux de la magie noire, la sorcellerie trouve son milieu le plus favorable à sa structuration et à son maintien dans ses formes primitives et sauvages: la misère sociale, économique, politique et intellectuelle qui libère l’imagination, la folle de logis, pour parler comme Pascal. La folle du logis et sa représentation fantasmée du monde.
Qui ignore que l’idéal autant que le matériel est force sociale agissante qui guide la marche des sociétés humaines? Qui ignore le mystérieux pouvoir de la parole proférée? Le sorcier, on le sait, s’en sert merveilleusement. La parole est le commencement absolu de l’acte. «ln principio erat verbum », nous rappelle Jean l’évangéliste. Fille de la raison, (les animaux ignorent la sorcellerie), la raison seule peut faire échec à la sorcellerie. Difficilement dans les sociétés arriérées, à cause de la présence envahissante d’une imagination peu éduquée, qui entretient la peur et les angoisses où se fabriquent les fantômes. Les résultats étant meilleurs dans les sociétés évoluées, parce que, ici, le haut niveau de réflexion critique réduit le cercle de l’imagination identifiée comme faculté merveilleuse, certes, mais dangereuse en même temps.
Dans ces sociétés évoluées, à cause du mystère de l’univers que les prouesses de la science ne parviennent, cependant, pas à déchiffrer totalement, les réponses aux questions suscitant sans cesse de nouvelles interrogations, dans ces sociétés évoluées donc, presqu’enfin rendues à la raison, la sorcellerie, fille de l’ignorance, s’est muée en des formes «civilisées », mais qui laissent entière la peur et l’angoisse, qui sont le terreau de la sorcellerie. Le grand avantage de ces sociétés évoluées, c’est que la sorcellerie, plus éduquée, ne vise plus à tuer l’autre qui, ici, a cessé d’être une menace pour ma sécurité; la sorcellerie des sociétés civilisées est, au contraire, moyen de connaissance du mystère de l’univers et du monde, pour faire reculer la misère du monde (la franc-maçonnerie, quand elle ne se dégrade pas en magie noire grimaçante). Elle a cessé, ici, d’être une activité maléfique au service des ambitions d’esprits malins travaillant à dominer et à posséder le monde, comme le fait la sorcellerie fruste des sociétés primitives où la peur et l’angoisse, nées de la misère et de l’ignorance, sont tournées en moyen de soumission de l’autre.

Se pose alors, pour l’Afrique évangélisée, la question du poids de la foi. Enracinée dans de solides convictions, celle-ci est un merveilleux antidote contre la sorcellerie sauvage si paralysante pour l’action et destructrice du lien social. Le Christ, qui est au centre de la foi chrétienne, rassure les fidèles: «N’ayez pas peur... J’ai vaincu le monde - Je vous donne ma paix...». L’existence d’une intense activité sorcellaire en milieu chrétien est alors révélatrice de la faiblesse de la foi des chrétiens qui s’y adonnent. L’imagination l’emporte sur la raison critique. Le poids de la tradition étouffe une croyance chrétienne d’importation.

En fait, pour que cessent ou évoluent en quelque chose de positif, les croyances et les activités de sorcellerie, il faut que, de toute nécessité, soit assurée la sécurité psychologique de la société, laquelle dépend d’une vie matérielle sécurisée dont, justement, la réalisation relève du devoir chrétien. Et si le chrétien a peur des fantômes et des mirages, qui bâtira la maison? Une chose, pour finir: il est probable qu’existent, dans nos sociétés, des sujets d’une grande intelligence mais méchants, et supérieurement doués, pour faire du tort à leurs semblables dont ils supportent mal la réussite sociale
ou la beauté physique, dans de mystérieuses opérations d’envoutement dont ce n’est pas le lieu d’en décrire les mécanismes. Cependant, il y a lieu de penser que, seule, notre imagination angoissée décuple leur nombre: on croit les rencontrer à tous les coins de la rue, partout. Il n’en est certainement rien. En fait, que l’économie s’assainisse et la politique, dont la mauvaise santé toujours affole, et la sorcellerie sauvage et mal régulée relèvera, bientôt

vendredi 16 novembre 2012

Le jeune opposant...

Chers lecteurs, rarement je m'adresse à vous directement, mais il pourrait sembler que vous abandonner ainsi, sans nouvelles pendant près de dix semaines relève de l'inconsidération ou de l'incorrection. Non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, je vous assure. Peu importe, je vous prie d'accepter mes excuses et je souhaite à l'avenir être séparé de vous le moins longtemps possible. Ainsi, pour renouer avec vous, petite communauté de fidèles, je vous propose quelque chose d'inhabituel, bien que restant du domaine de l'écrit. Le registre, pour ce texte-là uniquement, passe de l'article de réflexion à la fiction. De cette ébauche née d'une improvisation quel est le destin? je n'en sais vraiment rien. Sera-t'il suivi? On verra.

Comme c'est la première fois, j'en profite également de vous remercier de votre soutien et de votre présence auprès de Dominique Ngoïe-Ngalla et moi même dans cette modeste aventure.

Cunctator.


Un jeune opposant...


L’autre jour, alors que je profitais de l’agitation du weekend end pour me détendre l’esprit, flânant à travers les quartiers de la ville, posant le regard sur l’insolite sans négliger le régulier, riant en mon âme des étrangetés à qui cette ville, le plus beau des théâtres, comme peu de villes, propose un spectacle où les génies du comique rivalisent avec les princes du drame, j’entendis, près d’une place célèbre, le son d’une voix amplifiée par ce qui d’assez loin semblait d’énormes hauts parleurs. Je traversai les quelques rues qui me séparaient de la place où j’arrivai bientôt. Une foule était assemblée qui écoutait sagement le discours d’un jeune homme dont les propos, en plus d’être scandés, étaient accompagnés de gestes et d’expressions qui me firent tellement penser aux sorciers grimaçants des mauvais films sur l’Afrique qu’il gagna ma sympathie. Je décidai donc de l’écouter. Malgré la distance à laquelle je me trouvais du promontoire où ce jeune homme était installé, je pus deviner sa maigre silhouette que n’arrivait pas à dissimuler un imperméable trop grand. En même temps que j’écoutais son discours fort animé sur la nécessité d’ériger un nouvel ordre politique dans un pays africain aux grandes potentialités humaines et économiques, mais barbotant dans la misère et le désespoir parce que mal exploitées, orientées non pas pour le bien être commun, mais pour celui d’un gang de voyous, les hommes du pouvoir, tous riches en millions. je prenais quelques photos. Articulée avec une maitrise qui assurait la cohésion de ses différentes parties, cette harangue m’appris bien de choses en peu de temps et stimula ma curiosité. Je me renseignai auprès de mes voisins dans la foule et je sus le nom de celui qui m’apparut comme un jeune opposant plein de hargne et de détermination. Je continuai mon chemin plein d’enthousiasme et heureux que le hasard m’ait conduit à cet endroit. Entendre ce garçon me fit changer d’avis sur la jeunesse qu’en principe je blâmais d’avoir rangé les idéaux dans les placards de l’histoire.

Ce garçon, dont la douceur presqu’enfantine des traits rivalisait avec la gravité de son discours ne devait pas avoir plus de 25ans, mais semblait déjà si loin de la distraite jeunesse. Le charme chez ce politique déjà au large de la vie quoiqu’à peine né, démontrant une assurance et une fermeté que seule l’expérience accorde, c’est qu’en même temps il dégageait une sorte de pureté, de candeur et de foi tellement vives qu’il était clair que chez lui les considérations tactiques, la nécessité de gagner des positions, les compromis et les renoncements propres à la nécessité de l’action n’avaient pas encore corrompu son idéalisme. La verdeur en politique, malgré les erreurs de jugement et de positionnement qu’elle entraine fatalement chez les esprits entiers, est d’une grande utilité aux appareils politiques ; ils profitent du feu dont brûlent les jeunes gens impatients de se battre pour des idées qu’ils viennent fraichement de découvrir ou comprendre, mais dont les plus brillants ont toujours eu une compréhension intuitive. C’est ces derniers qui sont aux premières lignes pour répandre la bonne nouvelle et gagner des militants. Les jeunes s’identifient naturellement à eux et ont attirés par la parole qu’ils portent et l’encadrement idéologique qu’ils finissent par faire lorsque leurs partis sont vraiment politiques.

Une fois chez moi, je fis une recherche concernant ce jeune opposant sur l’internet. J’appris qu’il militait depuis quelques années maintenant et qu’il avait été Secrétaire Général de la Jeunesse du Mouvement Patriotique Congolais, le premier parti de l’opposition de ce pays. Après quelques années au sein de ce parti, un désaccord sur l’attitude de certains cadres vis-à-vis du pouvoir lui fit claquer la porte de cette institution au sein de laquelle il avait tout appris en termes de politique. Avec quelques amis qu’il réussit à convaincre de la nécessité de quitter un parti miné par les divisions et les querelles de généraux, il fonda un parti. Ils le voulaient porteur d’une nouvelle façon de mener leur lutte contre un pouvoir illégitime et nocif, peu convaincus de l’efficacité des méthodes modérées de la ligne dominante du parti, celle des cadres dont ils désapprouvaient l’attitude, pour l’atteinte de leur ultime objectif, le retour à des institutions républicaines.

Cunctator.

 

vendredi 28 septembre 2012

Misères de la lucidité




« Et sans doute notre temps... préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être... Ce qui est sacré pour lui, ce n'est que l'illusion, mais ce qui est profane, c'est la vérité. Mieux, le sacré grandit à ses yeux à mesure que décroît la vérité et que l'illusion croît, si bien que le comble de l'illusion est aussi pour lui le comble du sacré. »
Feuerbach, (Préface à la deuxième édition de L'Essence du christianisme).

La propension à ne point s’intéresser à ce qui a réellement du sens, caractéristique de notre siècle et de bien d’autres aussi, toutefois plus forte dans le nôtre, détourne notre attention des questions que nous devrions nous poser pour garantir notre progression dans la longue marche de l’humanité, dont les étapes principales sont identiques quelle que soit l’époque qui reprend le relai. Pourtant, croire que l’homme, bien qu’être rationnel, conscience de soi et présence au monde, se pose spontanément des questions sur ce qui fonde son existence, n’est qu’une illusion supplémentaire. S’interroger de la sorte suppose l’habitude de penser, de penser serré. Or la pensée, qui n’exige que temps et disponibilité d’esprit, est rendue de plus en plus difficile, les conditions de son exercice du moins, tant nos conditions économiques et par conséquent sociales, influençant la production et la diffusion de la culture, font la promotion de produits culturels, qui loin de nous interroger sévèrement et d’illustrer notre condition tourmentée d’inquiétude, comme les œuvres des tragiques grecs et de leurs successeurs (Shakespeare, Corneille, Racine), détournent des préoccupations majeures si bien qu’il devient même sacrilège d’y faire attention. Distrait à force de bêtise et d’inconsistance, tel est l’homme de notre de notre temps.

Projeté dans un monde factice libéré de la difficile condition d’homme, le consommateur, dont la seule préoccupation est l’usage passif de produits, s’est substitué au citoyen qui, parce c’est un acteur responsable, se fait le devoir de comprendre sa société et de participer à son progrès. Epargné des épouvantables guerres qui il y a encore soixante-dix ans sévissaient sur presque chaque génération, ses libertés civiles et politiques garanties par la victoire de la démocratie libérale, gavé d’individualisme, épargné de conditions matérielles pénibles du fait d’une croissance effrénée pendant trois décennies, l’Occident, longtemps défenseur passionné de la grandeur de l’homme et des valeurs fondamentales de cette dernière (malgré les très graves égarements dus à la croyance en l’infériorité des autres races), donne des signes de lassitude. L’Occident ce n’est plus la pensée irrévérencieuse et fougueuse qui au prix d’âpres combats bousculait toute idée d’asservissement, de domination, bref de conduite irrationnelle. L’obscurantisme et les tutelles de toute sortes vaincues par son audacieuse pensée ont été remplacés par une autre tare, l’un des travers de sa philosophie économique : la volonté de simplification. Pourtant, simplifiez, simplifiez ! La condition de l’homme, même moderne, demeurera complexe et surtout tragique ! Le besoin de penser, de comprendre ne sera jamais remplacé par une technologie et une culture. Celles qui se proposent les dangereux buts d’épargner des peines et difficultés sans lesquelles cependant l’homme n’émerge pas, sont simplement donquichottesques ; elles prennent des moulins à vent pour des géants. Cette perte du sens de la réalité pour s’enfermer dans l’idéal réduit la capacité à affronter le réel, et diminue la capacité de négocier face au destin, mais expose plutôt à le subir. Ce n’est en effet pas en esquivant la réalité qu’on lui tient tête et qu’on trouve un modus vivendi, mais en s’y frottant.

Seulement, penser dans un contexte où tout est organisé pour tenir la réflexion à bonne distance, suppose, lorsqu’on ne naît pas philosophe, que la conscience ait été marquée par un phénomène ou un évènement qui renvoie si profondément en soi même, que, confronté à ce soi qu’on interroge et qui nous interroge à son tour, naît un dialogue intérieur dont la synthèse formera notre appréhension propre du réel, donc notre pensée. Les impressions que le monde fait sur nous se réfléchissent sur notre conscience, et de ce rapport naît notre vision propre. Ce n’est en effet que par la friction du moi avec les phénomènes ou le réel que nous sommes capables de réagir. Ainsi on prend conscience de soi et, partant de là, du fait qu’un véritable rapport au monde nécessite l’analyse préalable de ce dernier par le moi. C’est grâce au commerce et à la pratique fréquents de la pensée qu’on affronte le réel, qu’on le décompose car penser (logein) favorise la compréhension de ce qui lie les phénomènes entre eux. Et sont dits intelligents ceux qui, du fait de leur clairvoyance, lient aisément les faits entre eux.

L’habitude de l’observation, de la réflexion, le souci d’objectivité, de vérité et de rationalité donc qui caractérisent les âmes marquées par le mouvement et par le courage de voir et d’accepter la réalité telle qu’elle est, se fondent comme un lingot, dans le creuset de la lucidité. A la différence des romantiques qui vivent selon leurs sentiments et leur imagination, animés par l’hubris, personnages de tragédies portés à l’éclat et au fracas dans la manifestation de leur personne, qui, selon que leur surcroit d’énergie et de désordre sont apprivoisés ou non, produisent soit du très grand et du très beau, soit du pitoyable, ceux qui sont frappés de lucidité, éclairés de cette lumière qui les rend perspicaces, ont la passion du réel auquel ils n’ont aucune envie d’échapper(ajouter éléments du cahier vert), ils l’acceptent parce qu’on ne le réinvente pas, mais on le modifie que par la confrontation.

Une telle capacité à analyser les phénomènes dans les détails qui fondent la pertinence des vues, la sureté du jugement assurée par la prudence et le doute cartésien qui se refusent à la facilité des apparences, produisent des étrangetés qui finissent toujours par déranger leurs semblables, qui, comme la plupart des humains, sont mus plus par leurs humeurs, leurs passions et leurs intérêts que par la sainte raison, elle aussi, ne l’oublions pas caractéristique, contraignante certes, mais sans doute la plus importante, de l’humain. Là est le début de la misère des lucides. Ayant en horreur la propension naturelle, qui marque l’histoire de l’humanité, à se laisser conduire par les affinités groupales, nationales, régionales, partisanes, religieuses et tout rapprochement fondé sur autre chose que la vérité objective, ils défont des liens affectifs si cela est nécessaire, bravent des autorités quand elles se montrent injustes et violent les lois. On croirait de telles personnes sans cœur tant elles résonnent et analysent en permanence ; ce sont, au contraire, lorsqu’on y regarde bien, des personnes d’une grande sensibilité, mais qui fuient toute sensiblerie.

Cunctator.

dimanche 12 août 2012

La liberté pour quoi faire quand les congolais ont la passion de l'esclavage

Mal aimés, mal gouvernés, et par-dessus le marché volés par des dirigeants dont en principe, on ne le répétera jamais assez, le devoir est de concourir, grâce au souci qu’ils devraient avoir de l’intérêt général, au bien être et à la dignité des populations, les congolais en principe souverains, sont des véritables sujets, soumis aux caprices de leur prince. Ce dernier est en effet le seul souverain, ni comptable ni responsable de rien, il est la loi sinon Dieu lui-même. Sans ergoter donc et sans convoquer ici tous ceux qui ont analysé et qualifié les différents régimes politiques,, il est difficile d’affirmer que le Congo est une république, malgré l’habillage républicain dont on pare ses institutions, dont l’existence n’a de concret que les murs qui les abritent. En effet ces dernières ne sont pas incarnées tant les personnes qu’on y voit tenir des sièges sont elles mêmes creuses et inanimées, sans âme. Ces institutions ne sont pas un membre de la souveraineté telle que conçue par Rousseau, mais des leurres qui servent à donner une image plus douce d’un méchant pouvoir absolu.


Ce souverain seul maître à bord affiche un tel mépris pour le peuple dont il devrait avoir la charge que, malgré des conditions qui qualifient d’office leur pays au progrès économique, social, et culturel, ce dernier recule de plusieurs décennies pour s’enfoncer dans un paradoxe peu compréhensible : un pays riche en ressources financières mais où la pauvreté ne fait que s’accroitre à mesure que le règne de Sa Fainéante Majesté se prolonge. Malgré la forte croissance de leur économie, la majorité des congolais n’a rien a envier aux habitants des pays les mieux classés en termes de pauvreté selon les critères de l’Indice du développement humain. Il faut, pour échouer ainsi, soit être épouvantablement détourné des problèmes de la cité – dans quel cas on n’a pas vocation à gouverner – soit être complètement incompétent et incapable, même en faisant preuve du rudimentaire bon sens, de suivre l’avis des brillants conseillers qui ont pour la plupart pas moins qu’un diplôme de troisième cycle universitaire, soit être un inquiétant mélange des deux. Alors on est un monstre. Et un peuple bien constitué ne peut se coltiner longtemps un tel spécimen, sans courir le risque de foncer assurément à sa ruine.


Les congolais sont aussi bien constitués que les autres, il n’a y a pas de doute. Mais les congolais sont politiquement hors jeu et ont depuis longtemps perdu tout sens de la lutte. Ce sont des esclaves qui ruminent leur ressentiment face aux mauvais traitements qu’ils subissent d’une classe politique égoïste et impropre à administrer correctement un état. C’en serait autrement, que leur ardeur échauffée par tant de volonté à les rendre misérables les aurait conduit, selon l’opportunité, soit à manifester avec fracas, soit à constituer une véritable force de contestation sur laquelle l’exécutif ne pourrait faire impasse. En effet, il faut reconnaître avec Stéphan Zweig, écrivant au sujet de Calvin, que « le nombre des adversaires d’une dictature importe peu, aussi longtemps qu’ils ne se réunissent pas pour agir selon un plan commun et au sein d’une organisation commune. C’est pourquoi il s’écoule toujours toujours un temps très long entre le moment où l’autorité d’un dictateur subit son premier ébranlement et celuide sa chute définitive».


L’histoire politique de ce pays, explique sans doute l’engourdissement des congolais dont les préoccupations politiques ne restent que théoriques. On remarque assez vite que les congolais portent un vif intérêt pour la politique, mais à la vérité chez eux, la connaissance des acteurs politiques et les commérages sur les moindres détails de leur vie privée tiennent lieu d’analyse politique. Très peu de place donc pour la stratégie et par conséquent pour la tactique. Très vite après les indépendances, surgit une classe politique peu compatible avec les exigences de la gestion de la cité propre à des états neufs ou tout était à bâtir : les hommes, les infrastructures, les institutions politiques, culturelles, et le bien-être social par lesquels on mesure plus ou moins le degré d’avancement d’un pays. Ces hommes dépourvus du sens de l’état, soit par l’insuffisance de leur éducation, soit par leur épaisseur, ont très vite confondu gestion de l’état avec intérêt groupal, puis personnel, ne se sont pas comportés comme on aurait pu l’attendre d’une élite. De l’élite ils n’avaient que les fonctions mais pas l’attitude. Des pirates, des voleurs, des comploteurs, des noceurs ! Attirés par le clinquant et les facilités que procure l’argent aux personnalités faibles et facilement impressionnables, ces petits hommes sont devenus les esclaves des vices auxquels il expose quand on en fait un maître. Dans cette société peu cloisonnée où se côtoient facilement les personnes de conditions opposées, la mollesse, l’attrait pour les facilités de toutes sortes, l’intrigue, la trahison et tous leurs compères, comme la vertu trouvant refuge en tout homme, mais ayant particulièrement proliféré chez ces hommes de peu, ont irrigué le reste de la société. La masse on le sait, par une sorte de mimétisme social, s’identifie beaucoup à l’élite, elle constitue pour cette dernière une sorte de phare. Ses manières, ses pratiques, ses goûts en général sont copiés, quoique avec un certain décalage, par le peuple. Imaginez donc les dégâts qu’ont pu provoquer plus de quarante ans d’imitation d’une élite qui incarne des valeurs sociales négatives.


Ainsi ont fini par disparaitre le respect sans lequel aucune norme ne résiste, le courage sans lequel la dignité, la fermeté de la volonté et la capacité à affirmer désaccord et mécontentement ne sont possibles. Un peuple qui ne connait pas le courage - politique bien entendu -, si ce n’est celui de s’entretuer mutuellement par la faute des intrigues de politiques incapables de supporter l’alternance nécessaire à toute société qui se veut dynamique, peut-il contester clairement les mauvais traitements, les brimades et les privations qu’il subit? Non, trop pusillanimes, les congolais, abonnés aux vils plaisirs de la bière et du sexe et manquant de leader capable de leur expliquer les enjeux politiques et la nécessité de la contestation de l’ordre actuel, se complaisent dans leur situation et laissent au sort le soin de les sortir de la mauvaise passe dans laquelle ils se trouvent. Pas une grève n’a secoué les institutions, pas une marche n’a entrainé une mesure positive ou la démission d’un ministre, pas un acte de désobéissance civile n’a servi de moyen de revendication pour un ordre social et politique meilleur.


Ce qui est encore plus triste, c’est que atteint de la maladie de leurs dirigeants, la pire des choses qui puisse arriver dans une société qu’on a réussi à déstructurer, dans laquelle les valeurs sont inversées, les idéaux bas et triviaux, les congolais, un bon nombre d’entre eux, parmi lesquels des intellectuels et des hommes d’Eglise, rêvent de faire comme les hommes du pouvoir, donc de veiller à leur intérêt personnel. N’ayant rien dans le cœur de sorte que toute empathie et toute capacité au rêve collectif sont éteintes, ratatinés par le poids de tant de bêtise, le peuple congolais, comme étourdi, ne sait plus faire entendre la voix dissonante qui dise « assez » au mauvais ordre qui règne. Amollis par la bière, jetés en pâture aux petits plaisirs et à une musique impropre à réveiller l’ardeur populaire, n’ayant aucune noblesse, ces mollassons supportent l’injure et le mépris, même quand ils sont exagérés. Tandis qu’ils crèvent la faim et sont mal soignés, les nantis, tous ou presque tous issus de la médiocre classe politique congolaise, vivent dans un grossier excès et se font soigner en Occident, où ils dépensent la fortune des pauvres congolais en objets de luxe. Les sénégalais n’ont pas tous lu La Boëtie, mais leur activisme contre les frasques de Wade, contre les coupures d’électricité est la preuve qu’ils n’acceptent pas la servitude que les congolais subissent volontairement. Ils ne sont pas du 16e siècle ces Sénégalais-là, ce sont nos contemporains. La lutte exemplaire des Sud-africains contre un régime mille fois plus féroce que celui du Congo et l’organisation politique qu’ils avaient mise en place ne peut-elle inspirer ces pauvres diables ?


Or qu’est-ce qu’une telle passivité sinon, lâchement renoncer à sa liberté. La liberté parce elle seule permet de se doter des dirigeants qui nous conviennent à qui, à travers ce choix, est confiée la direction du pays. Subir un dirigeant, plus que de la dictature est un honteux renoncement à son humanité quand les moyens ne manquent pas pour améliorer le cours des choses. Ne pas affronter une dictature, même par des moyens pacifiques, c’est ne point aimer la liberté « Renoncer à sa liberté, disait Rousseau, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatibleà la nature de l’homme et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté ».


Seulement, la liberté elle-même ne se gagne pas sans certaines conditions, elle n’est pas des choses qui se donnent, elle est le fruit d’un quête, d’une quête qui commence au niveau de l’individu. C’est à la masse des hommes libres que la liberté,lorsqu’elle n’est plus, manque le plus. C’est eux qui commencent à s’indigner. La liberté est d’essence spirituelle et morale. Elle tient à une capacité au détachement qu’on ne supporte que grâce à un entrainement spirituel et à des spéculations intellectuelles sur la condition humaine. Elle suppose d’avoir tâté, ne fut-ce que par la pensée les notions de courage, d’honnêteté, de devoir, d’engagement, de sacrifice et de renoncement. Car la liberté simplement conçue comme le fait de n’être point dans des fers et la possibilité d’aller et de venir rend bien supportables des servitudes plus pernicieuses, dont tout le monde se débarrasserait volontiers pour peu qu’on en ait conscience. Etre encagé, n’enferme que le corps et laisse toute liberté à l’esprit, si fin lorsqu’il est bien entrainé que des barreaux et des portes cadenacées ne peuvent l’empêcher de filer ou bon lui semble et de jouir de tous les bonheurs que savent lui apporter les voluptés qui lui sont propres. Or est véritablement enfermé celui qui n’arrive pas à se libérer de ses passions et des ses mauvais penchants; n’en est il pas l’esclave ? Un tel homme pourrait-il se dire libre ? Une personne qui ne se donne pas la peine de raisonner et qui s’adonne telle une bête à ses instincts est-elle maitre de sa libre volonté ? Une telle personne n’est maître de rien, elle se laisse guider par sa nature d’animal et non par la digne raison qui caractérise les humains. C’est par la raison que les sociétés ont été érigées et par elle qu’elles sont régies.




CUNCTATOR.

dimanche 22 juillet 2012

1963, date où, pour le Congo, commença la descente aux enfers

A force de commémorations fastueuses, la mémoire collective a fini par transformer en lumière joyeuse la date du 15 août 1963, qui est pour l’historien la date du commencement et du début pour notre pays d’une période de grandes incertitudes et de souffrances terribles. La descente en enfer. Brutale et inhumaine, la révolution fit regretter au petit peuple qui y avait placé tous ses espoirs, les temps coloniaux. Comparés à la tourmente révolutionnaire, les temps coloniaux dont il avait pourtant hâte de sortir lui parurent, en contraste, d’une grande douceur. Renversement brutal de l’ordre social existant, une révolution est toujours une promesse de bonheur ; mais rarement tenue, et jamais d’ailleurs intégralement, lorsqu’il arrive qu’elle soit tenue.
Les changements positifs d’une révolution sont souvent opérés au prix de tant de souffrances que le petit peuple au profit duquel ils sont censés l’être n’en retient généralement que la souffrance par laquelle il a fallu passer pour les opérer. Et le petit peuple n’a pas si tort, le bénéfice des changements et leur bienfondé n’apparaissent, souvent, que longtemps après. De toute façon, il n’existe pas de révolution qui ne fasse mal, et même qui ne fasse du mal. La Russie de Lénine, la Chine de Mao-Tse-Toung se modernisent au prix de souffrances terribles et de milliers d’hommes et de femmes envoyés à la mort. La révolution française de 1789 impose le respect des droits de l’homme à la conscience universelle, mais au terme d’un dur combat, en France d’abord, dans le monde entier ensuite ; encore que la bataille n’est pas encore totalement gagnée. Mais à côté de celles qui réussissent partiellement, il est des révolutions si petitement pensées qu’elles aboutissent, sur le plan social, à de véritables catastrophes. A se demander s’il n’eût pas mieux valu qu’elles n’eussent jamais lieu. La révolution congolaise de 1963, me paraît relever de cette catégorie de révolutions inutiles. Un avorton de révolution. Et ceux-là seuls qui surent se
positionner pour en tirer les ficelles, y trouvèrent leur compte ; et s’ils sont encore en vie, sont aujourd’hui heureux ; si le bonheur se définit en termes de possession d’une masse élevée de biens matériels, et de reconnaissance sociale. Pour le peuple qui l’avait acclamée, la révolution
congolaise de 1963 reste une terrible illusion.

Cela n’empêche, à mon sens du moins, que cette révolution congolaise de 1963 fut un évènement « épochal », un évènement qui marque une césure dans le cours de l’histoire de notre pays désormais coupée en deux périodes présentant chacune ses caractéristiques distinctives : unité générale de ses façons de sentir, de penser et d’agir, à partir de quoi il devient parfaitement licite de parler du Congo d’avant 1963, et du Congo d’après 1963. Mais si cette révolution congolaise de 1963 fit évènement épochal, ce fut moins par l’instauration d’un régime politique nouveau, l’ascension politique et sociale foudroyante d’hommes surgis de nulle part imprimant cependant au cœur de l’Histoire de leur pays leur marque personnelle dont allait dépendre par la suite l’évolution de cette histoire, que par la sécrétion et la structuration de nouvelles mentalités collectives dans une configuration qui fait apparaître ces deux périodes de notre Histoire dans un rapport de violent contraste.
Sur le plan de la psyché et des mentalités collectives où je place la comparaison, la période post 1963 apparaît bien sombre et troublée, face à la période anté 1963, certes pas vêtue de lin blanc et de candide innocence, mais assurément plus respectable, plus soucieuse des choses de la morale et du rapport à autrui, peu importe que ce fut du fait de l’éducation et donc de l’habitude qui vide l’acte moral de sa valeur. Toutes nos traditions, depuis celles des temps les plus anciens à celles qui traversent la période coloniale, toutes enseignèrent les principes fondamentaux de l’humanisme universel et veillèrent à leur respect : le respect de la personne et de ses biens, à commencer par sa vie, et si elle n’est plus en vie, le respect de sa mémoire. C’est ainsi que, chacun cultivant une espèce de noblesse de l’âme, on ne volait pas. Le vol était le fait de marginaux et le crime crapuleux était rare. Des saints, cette société ? Que non ! Mais c’était une société qui avait le sens des valeurs et qui se battait pour régler sa conduite sur celles-ci. C’est cette société là que la révolution de 1963 vint souffler. La révolution ayant appris du marxisme la nécessité, pour progresser et se développer, de faire table rase du passé. Faute d’autres principes pédagogiques, elle y alla par la violence. Et la violence emporta l’âme de toute une société. La société des antivaleurs que dénonce le Président Dénis Sassou Nguesso, s’installe progressivement, dès le soir du 15 août 1963, pour culminer entre 2000 et 2012.

Elle apparaît comme la conséquence désastreuse du déficit d’un système éducatif fait de bricolage, et abandonné, dans l’enseignement primaire et secondaire, à un corps d’agents formés à la hâte, même si certains d’entre eux présentent de réelles aptitudes au métier d’enseignement et sont loin d’être des cancres. Naturellement, même doué, le sujet qui sort du primaire et du secondaire avec des connaissances vagues, approximatives ou lacunaires est mal parti pour suivre des études supérieures. Impossible d’aller jusqu’au bout sans tricher. Comme il a de grandes ambitions, et que les diplômes délivrés par l’enseignement supérieur sont les moyens de réalisation de ces ambitions, il ne résiste pas longtemps à la tentation de la fraude, d’autant plus que des agents de l’administration et certains enseignants l’organisent, encouragés par le vent de fraude qui souffle sur la société tout entière. Mais la fraude, la concussion et la corruption, en quoi se résument les antivaleurs qui empoisonnent aujourd’hui le sommeil du Président de la République du Congo et de tout homme de bien, ne sont que des signes de la dégradation morale d’une société plongée dans une profonde crise d’identité par deux générations de monopartisme hypocrite et brutal où la morale et les principes sains de régulation des rapports sociaux furent moqués et viciés ; tandis que, institutrices oublieuses de leur mission d’éveilleurs des consciences, peu préparés à faire une lecture informée et éclairée de la société mise en place par les révolutionnaires, les églises chrétiennes piégées par les politiques ne refusaient pas la main que leur tendaient les politiques de tous bords.

jeudi 12 juillet 2012

L’accord de l’éthique et du politique: rêve éternel des sociétés humaines

On a pu définir la politique comme étant l’art de gouverner. Le vague de la définition et surtout sa référence à l’art, royaume de l’imagination, la folle du logis, fait que selon son tempérament et son éducation, chacun l’interprète comme il l’entend. Machiavel, qui place au centre de la vie politique, un prince qui est loin d’être un saint soucieux de la conformité de ses actes avec les exigences de la loi morale, ou même seulement un sage, pour sa sécurité intérieure attentif à calculer les conséquences de chacun de ses actes sur lui-même et sur autrui, Machiavel nous a habitués à ne pas nous occuper de morale en politique. Dans ce qu’elle fait, la politique ne doit viser que des résultats et tous les moyens sont bons. L’Histoire montre que ce n’est pas toujours impunément, sans revers, au bout du compte, que Faust conclue alliance avec Méphistophèlès.

En revanche, définie comme l’ensemble des moyens, matériels, intellectuels et spirituels, déployés en vue de la recherche du bien et du bonheur de la cité, la politique a lien, c’est clair, avec l’éthique, l’art de vivre et de vivre bien qu’avec le philosophe, nous nous définissons comme étant «l’ensemble réfléchi et hiérarchisé de nos désirs». Et quel homme ne désire le bonheur? Seulement, la sagesse lui interdit que ce soit au détriment de la raison et de la loi morale, en lésant des tiers dans leur corps et dans leur âme ou même aux détriments de ses propres intérêts supérieurs, spirituels et moraux. Le bonheur des peuples dépend ainsi de la prise de conscience, par les gouvernants, de la nécessité de l’alliance de l’éthique et du politique, de l’adéquation de l’action à une nécessité morale.

Mais la faiblesse de l’homme est connue. C’est pour cette raison que, dans les sociétés civilisées, l’exercice de la politique est entouré de mécanismes qui protègent des abus auxquels se trouve exposé tout pouvoir. Lorsque la force du droit n’est pas entravée par une violence illicite et crapuleuse, ces mécanismes de régulation civilisent, forcément, le corps social et tracent le cadre de son développement.

L’Afrique n’arrête pas de bégayer sur la voie du développement, parce qu’elle n’a pas la sagesse et le courage de réduire l’écart que des dirigeants médiocres, frivoles, sans cesse, creusent entre l’éthique et le politique. Austère comme un anachorète, mûri par la longue épreuve, Nelson Mandela n’a pas fait d’émule qui eut assez d’amour de son pays et de sagesse pour ne pas s’incruster au pouvoir. Le pouvoir, il le sait, finit toujours par pourrir ceux qui s’y attardent; même les meilleurs.

Dominique NGOIE-NGALLA

lundi 2 juillet 2012

Démocratie adulte et apaisée: la nécessaire mais difficile adéquation de la fidélité au renoncement

L’homme a besoin, pour son équilibre psychologique, d’enracinement. Et vite qu’il retrouve ses repères si, par malheur, il venait à perdre! Seulement, l’enracinement est semblable à la mémoire où l’oubli est, dans un cas, faiblesse morale, vertu dans l’autre, la vertu résidant dans leur adéquation à une nécessité éthique. Dans le cas de la mosaïque d’ethnies que sont la majorité des Etats de l’Afrique noire, l’enracinement aveugle des citoyens dans l’appareil idéologique cloisonné du terroir de leurs aïeux est faiblesse morale, source d’antivaleurs, comme la xénophobie, le repli et la violence identitaires constituent un obstacle redoutable à la construction d’un vivre ensemble harmonieux entre étrangers, à la formation de cette grande âme collective qu’on appelle la nation.


La responsabilité des partis politiques et de l’Etat.

Pour autant qu’ils s’assignent pour tâche la formation des citoyens à la société démocratique et qu’ils ne se définissent pas comme des espaces du dressage des molosses à lancer sur les voisins, l’implantation de partis politiques dans tous les départements du territoire national peut être saluée comme un signe positif de décloisonnement des ethnies, de leur mutuelle acceptation, le signe du surmontement de leurs contradictions que la juxtaposition ou la superposition des pôles d’identification de l’individu où le pôle d’appartenance prime, faisait craindre qu’il ne soit pas possible, avant de longue générations. L’analyse d’un certain nombre de pratiques peu citoyennes répandues dans toute la République sans que s’élève une vive réprobation des partis politiques et de l’Etat coordonateur de tous les processus sociaux, confirme nos craintes et nous conduit à des conclusions désenchantées. Dans une telle République et un tel Etat où, du fait de la forte charge affective des liens, le pôle d’identification groupale prime sur tous les autres (confessionnels, professionnels, scolaires, sportifs), la promotion sociale, professionnelle ou politique du citoyen est d’avance compromise, dès lorsqu’il ne se trouve pas du «bon coté».


C’est le critère de l’appartenance groupale qui décide. Le principe républicain de l’égalité des chances entre citoyens égaux est, sans vergogne, foulé aux pieds. Fondée ailleurs sur le mérite, l’accès aux meilleurs postes à la fonction publique, à la police, à l’armée, à tous les corps de métiers contrôlés par l’Etat, est ici déterminé par de tout autres critères, affectifs ceux-là.


L’Etat, il est clair, est ici un instrument de domination au service d’un groupe ethnique à quoi se réduit, alors, la totalité de la société dont il est censé être le produit et l’émanation. Nous sommes retournés à l’Etat traditionnel, archaïque, contrôlé par une minorité qui a le monopole de la décision politique et administrative, mais toujours en conformité avec ses intérêts particuliers. Naturellement, les citoyens écartés du partage broient du noir et finissent par perdre foi en la promesse de l’avènement d’une République de citoyens égaux et frères, et ruminent des solutions nihilistes.


De telles conduites narcissiques de repli identitaire qui sont des conduites naturelles à l’ethnie, dès qu’elle se trouve placée face à d’autres ethnies, restent un frein redoutable au processus de rationalisation progressive de tous les processus sociaux par quoi se fait le passage de l’Etat archaïque à l’Etat moderne qui s’assigne comme tâche de relever toutes sortes de défis émotionnels auxquels exposent le cloisonnement ethnique et le solipsisme identitaire, tentation permanente de l’homme. Tout change, dès que l’ancrage culturel, bien naturel, devient nécessité éthique d’appropriation spirituelle de soi, impossible, en tout cas difficile si on vient à perdre ses repères.


C’est le nécessaire «noti seautonn» socratique, connais-toi toi-même, d’après le philosophe grec, l’acte fondateur de la connaissance scientifique, chez l’homme, et le principe de l’éveil de l’esprit aux problèmes du monde. Il est l’acte par lequel commence l’aventure spirituelle de l’homme appelé à devenir ce qu’il est: une personne, être de raison s’accomplissant dans l’ouverture au monde des humains. Tout le contraire du cloisonnement ethnique, agressif à force de craindre l’autre et sa différence. Se connaître, afin de savoir sa vocation: sujet responsable de soi et de l’univers. Et c’est tout le devoir de l’Etat républicain et de ses institutions d’éducation: former à la conscience citoyenne de responsabilité de chacun sur tous et de tous sur chacun; progressivement, de génération en génération, avec patience, avec constance, sans se lasser jamais.


Jusqu’à ce que nos origines culturelles, nos racines donc, et leurs valeurs redécouvertes deviennent le support sur lequel peser, pour nous lancer à la découverte d’autres mondes et d’autres humains à aimer. La vertu de l’ancrage dans l’humus fécondant du terroir semblable au sein maternel, réside ainsi dans l’adéquation de cet ancrage à une nécessité morale: se connaître grâce à l’éveil aux valeurs authentiquement humaines du terroir et ainsi accéder à une meilleure connaissance de l’autre avec lequel je me découvre des liens de fraternité et de communauté de destin.


Dans l’Afrique noire des Etats multiculturels et multiethniques en permanence secoués par des crises politiques, le chemin d’une démocratie… adulte et apaisée, et donc économiquement viable et vivable, passe par une subtile articulation de la fidélité et du renoncement à nos racines. Le jeu, il est clair, ne va pas sans courage et une certaine forme de l’intelligence.


Dominique Ngoïe-Ngalla, La semaine Africaine, 26 juin 2012

dimanche 10 juin 2012

Une histoire et un passé d’apocalypse, civilisation figée, la place et la chance de l’Afrique dans la mondialisation ?


Ceux qui aiment l’Afrique Noire ont le devoir de lui rappeler que son drame est le résultat d’une Histoire et d’un passé où le cloisonnement culturel, social et politique, le défaut d’audace, la pusillanimité combinés à la violence interne et externe gommèrent la promesse du bonheur. Aujourd’hui, tous les pays et tous les continents, bien malgré eux fédérés par le souci d’intérêts à garantir, la nécessité de faire grandir, chacun, leurs civilisations, grâce à la sauvegarde de leurs patrimoines, sont des pays et des continents qui comptent, pour réussir, sur la fidélité à leur Histoire et à leur passé. Chacun en attend le souffle nécessaire à un engagement qui ne sera pas un jeu, étant donné la taille des enjeux. L’Europe et l’Amérique du Nord, l’Asie, la Méso-Amérique, même, peuvent ainsi s’avancer dans la mondialisation d’un pas assuré. Elles ont derrière elles pour les convoyer, une histoire qui n’est pas faite de pointillés et de discontinuités, mais une longue tradition de la politique d’Etat, une tradition de l’Etat, ensemble organisé d’institutions politiques, juridiques, policières, militaires, économiques, administratives, qui organise et façonne le destin d’un peuple porté par un idéal. L’existence d’une écriture en a garanti l’intégrité du souvenir et la continuité de l’action dans la mémoire collective des populations rassemblées en nations. Génération après génération, leur conscience en est imprégnée. Progressivement gommant les particularismes ethniques et régionaux des origines, à la fin fondus dans des normes et des valeurs dominantes communes. L’aventure sociale commune à des millions d’individus longtemps étrangers les uns aux autres, et même de temps en temps s’affrontant militairement, fut rendue possible grâce à la création de moyens d’action sur la matière et la nature, la technique, en constante amélioration. Pour ces pays et ces nations, l’aventure de la mondialisation, du reste inéluctable est un beau risque à courir. L’Afrique n’y entre pas avec les mêmes chances. Elle n’a pas, comme l’occident, l’Europe et l’Asie, le souvenir tonifiant d’un passé de grandeur fait de continuités où se profile déjà le futur.
Faute de quoi l’élan magnifique du continent tout entier se brisa soudain, les cultures et les civilisations se figèrent en de vaines promesses. Imprudents, tournant le dos au métier et portés sur l’aile de l’idéologie, des historiens ont cependant idéalisé le passé de l’Afrique noire dotée d’Etats modernes, ou, du moins, auxquels ne manquait, pour être tout à fait modernes, que l’usage de l’écriture. L’Empire du Mali, l’empire Songhaï, le royaume de Kongo sont décrits de façon anachronique, comme tout à fait dignes de rivaliser avec l’empire de Charlemagne, moins l’art roman et le souci du savoir et de la culture de l’empereur germanique et d’Alcuin, son brillant ministre de la culture. Or, ces brillants ensembles politiques, jusqu’au XVe-XVIe siècle où commence la traite des Noirs restèrent, en ce qui concerne la technique, à un niveau tellement rudimentaire qu’il leur était impossible de répondre aux grandes ambitions du politique. Quelle efficacité administrative sans l’écrit et des moyens de transport rapides ? Et sans ces deux moyens de gouvernement, comment fondre dans un même creuset de la culture et de la civilisation, des populations séparées par des différences culturelles parfois bien nettes ?

La colonisation qui s’était attelée à mettre de l’ordre dans tout cela n’en eut pas le temps, et les Etats de l’Afrique indépendante sont derrières leurs frontières respectives, une reproduction, de l’Afrique traditionnelle : des mosaïques d’ethnies, des fragments d’ethnies en perpétuel conflit. Une action politique coordonnée et efficace est impossible. Surtout que, difficilement patriotes dans un tel contexte sociologique de cloisonnement des sensibilités et des intelligences, les dirigeants se montrent inaptes à définir et à suivre des politiques censées d’intérêt général qui mettraient de la cohésion entre des ethnies séparées par des idéologies qui radicalisent leurs différences et projettent pour l’Etat où elles se trouvent regroupées bien malgré elles, des lendemains d’apocalypse.

La recherche du bien collectif est, dans bien des pays de l’Afrique Noire, souci éthique étranger aux dirigeants. Le développement de l’Afrique n’est pas compris par de tels dirigeants à l’esprit étriqué comme étant un phénomène massif. Le niveau de développement de leurs pays se mesure pour eux au niveau du bien être et du pouvoir d’achat de la classe politique :multimillionnaires, villas dans toutes les grandes capitales du monde, parcs automobile luxueux, farniente permanent. C’est oublier que pour jouer franc jeu dans les rapports d’interaction de la nouvelle terre des hommes que nous fabrique la mondialisation, ce dont l’Afrique a besoin, c’est l’équilibre de sa balance de paiement, lequel dépend de la productivité et de la croissance dont les répercussions sont immédiates sur l’indice de développement humain. Celui-ci est effroyablement bas en Afrique Noire. Pour espérer le relever, il faudrait une autre race de dirigeants au sens et au souci de l’Etat plus affirmés. Et puisque le passé brouillé, violent et difforme de l’Afrique ne peut proposer de modèle qui, fouettant notre orgueil et nos volontés, inspire notre pensée et notre action, il reste à l’Afrique d’inventer un avenir qu’un tel passé ne peut lui montrer.
L’Afrique profonde a assez d’imagination et de génie créateur pour, à la façon des romanciers et des artistes, se forger un idéal et un modèle social en conformité avec sa sensibilité. Qu’on pense au contexte sociologique d’invention du blues et du jazz en Amérique : le génie de l’âme nègre s’exprimant et s’épanouissant pleinement au contact des éléments de la civilisation et de la culture de l’occident européen.

Or, le même génie de l’âme nègre est entré, depuis la colonisation, en contact avec le même modèle socio-culturel européen qui assura en Amérique du Nord, l’éclosion du génie des nègres déportés. La mondialisation, en marche de façon significative dans les colonies au lendemain de la seconde guerre mondiale, a proposé à l’Afrique des apports culturels et techniques favorables à l’éveil de la conscience de ses sociétés aux problèmes du temps et à l’urgence pour, elle, d’aller aux vraies solutions. Il suffirait pour cela que l’Afrique ait le courage de penser par elle-même, et de se remettre sérieusement en question pour que, dans la mondialisation, elle ne soit pas un pauvre pion dans les mains de partenaires aux dents et aux griffes acérés. Affronter la fourberie de l’occident et le cynisme des multinationales, c’est prométhéen, mais c’est la condition pour que l’Afrique ne disparaisse pas. L’audace de penser par soi-même, et l’amour propre dont, depuis les indépendances, elle n’a plus su ce que c’est à force de compromission et de lâcheté.
Dominique Ngoïe-Ngalla.

dimanche 3 juin 2012

L’alternance politique en France et la modification des rapports France-Afrique.


FrançoisHollande élu, Nicolas Sarkozy sorti, l’Afrique, la francophone du moins, est en liesse. L’enjeu de cette élection qui des deux côtés de la Méditerranée a suscité de fortes angoisses tenait moins à la politique et à l’idéologie qu’au mécontentement et au désaveu cristallisés en la personne de Nicolas Sarkozy. En effet Nicolas Sarkozy annonçant un vent de réformes tant dans la politique franco française que dans les rapports de la France avec ses anciennes colonies, en maintenant les pratiques décriées de la France-Afrique, en ayant d’autres préoccupations que le juste et le vrai dans son approche des questions africaines, a déçu les espoirs que les Africains, peu entrés dans l’histoire, incapables donc d’en avoir une lecture et une projection nettes, mettaient en lui. A la différence de Nicolas Sarkozy, l’énergique François Hollande de la campagne, hormis une timide promesse de différence, a peu abordé la question françafricaine. Ou s’il l’a abordée, il n’en a pas dégagé une ligne claire.

Pourtant, malgré cette réserve qu’on peut déduire de l’attitude du nouveau Président, le fait que le pouvoir passe de la droite à la gauche après dix ans d’exercice majoritaire a suffit à de nombreux Africains, surtout ceux dont les pays sont connus pour être des puissants relais françafricains, pour espérer une différence dans la politique de la France vis-à-vis de ses ex colonies d’Afrique. Dans leurs mots de félicitations, ces pauvres politiques, en mauvaise posture dans leurs pays du fait des caricatures de démocratie qui y règnent - impuissants face à des potentats qu’on a du mal à appeler chefs d’états, tant leur politique moins soucieuse de la gestion saine de la cité que de leur intérêts immédiats -, sollicitent le concours de la France pour que désormais les pouvoirs en Afrique soient le reflet des aspirations des peuples et non celles des intérêts français.

Ces politiques qui souhaitent des démocraties et des alternances porteuses de changement ne devraient-ils pas plutôt se rappeler les exigences de leur mission, ne devraient-ils pas arrêter de se faire les représentants de la vacuité des oppositions et retourner sur le terrain pour mobiliser les populations par une explication des enjeux pour lesquels ils les sollicitent ? Ils devraient encore diffuser et faire assimiler les notions et valeurs qui constitueront les véritables moteurs de changement dans leurs pays. François Hollande ne sera jamais un levier de changement tant que les Africains n’auront pas démontré sans ambages à leurs amis Français la dangerosité de la politique qu’en leur nom on mène en Afrique, salissant le nom de la France qu’on rappelle volontiers lorsque des républicains, pas des moindres, semblent fortement séduits par des postures aussi honteuses que délétères. La France, disait Malraux n’est plus grande que lorsqu’elle l’est pour les autres. Plus qu’une France grande, ce dont l’Afrique d’aujourd’hui a besoin c’est d’une France magnanime, qui sache renoncer à ses anciens joyaux et qui ne regarde pas d’un œil torve les tentatives d’instaurer d’authentiques démocratie dans des pays qu’elle juge précieux. Mais seulement, la France, hormis ses idéaux romantiques et chevaleresques, fut-elle celle de François Hollande a-t’elle vocation à se battre pour la sauvegarde des intérêts des populations Africaines, surtout lorsque ceux-ci sont antagonistes aux siens ? Que n’écrivent-ils pas au futur nouveau Président chinois ?

Les Africains devraient prendre conscience que l’issue du combat qu’ils mènent sous l’œil sceptique et moqueur des puissants et des presque puissants du monde dépend de leurs capacités à se mobiliser. La politique n’est pas faite pour les bouffons, les hommes sans cœur, ennemis du beau, du vrai et du juste ; les politiques dont l’Afrique a besoin ce sont ceux-là riches en cœur et en esprit en qui brulent la compassion et la colère que, dit Léon Blum, « suscitent en tout cœur honnête ces spectacles intolérables : la misère, le chômage, le froid, la faim. »

Prompts à jeter la pierre sur les hommes en place, nombreux sont les opposants dont les valeurs ne diffèrent pas de celles portées par les hommes forts parrainés par la France. Tant qu’un travail ne sera pas fait afin que certains politiques, démocrates par le verbe, imprègnent leurs actions de ce à quoi, jusqu’ici ils n’ont su s’engager que par la bouche, ils ne gagneront pas l’admiration des masses sans la contribution desquelles aucune lutte politique de grande envergure ne se gagne. Faiblement mobilisée et encouragée cette troupe endormie, montre tout le courage et la hargne dont elle est capable lorsqu’elle est menée par un général dont admire le degré d’engagement et les qualités.
Cunctator.

jeudi 10 mai 2012

Comment je suis tombé dans les livres.


Longtemps,mon esprit encombré par l’actualité remuante, je n’ai eu le temps de laisser s’exprimer ce qui repose au fond de moi: les productions de mon esprit, mortes de n’être jamais nées, épuisées d’être enfermées dans l’écrasante boite à idées. Il ne s’agit pas d’une réflexion qui confine à la philosophie ni à l’épistémologie, il s’agit plutôt de l’expression de moi-même. Sans but, sans visée, sans souci de quoi que ce soit…Il s’agit juste de me faire parler, de faire monter à la tête de puits qu’est la plume ou le clavier ce qui se trouve au fond. Aujourd’hui j’ai envie de parler de littérature parmi tant de choses. Littérature ! Quel beau mot ! Quel beau mot en effet que celui qui résume l’univers qui naquit, grâce aux tous premiers qui eurent la folle idée de consigner la parole tant elle leur parût belle et magique. La parole de l’aède qui raconte les aventures épiques ; la parole du griot qui narre, à travers les hauts faits de l’histoire du lignage auquel il est attaché, la geste d’un peuple ; la parole de la cantatrice qui pleure sur les malheureuses aventures de ces jeunes gens fauchés trop tôt par la passion qui ne connait ni prudence ni retenue. Elles étaient belles ces paroles, mais elles le sont devenues davantage et ont pris une valeur plus importante dès lors qu’elles furent couchées sur des supports grâce à la magie de l’écriture. La pérennité d’un écrit, le fait qu’il est lu de générations en générations atteste de la valeur de ce dernier.

Serait-ce donc que le simple fait d’être écrit, révolutionnaire sans conteste, fonde toute la valeur du fait littéraire ? Aucune réponse ne saurait être faite à priori à une telle question. Chacun sa chapelle, chacun trouve de la valeur à la littérature selon les richesses que lui procure cet art. Un petit détour par l’histoire littéraire de l’amoureux de la littérature, sur ce qui a orienté ses goûts ne serait pas un mauvais début de réponse. Très tôt ou assez tard, ça dépend, la littérature nous prend par la main et nous mène à travers les âges pour nous faire découvrir l’aventure de l’humanité. On dit d’elle qu’elle est universelle. Ce n’est pas faux si on considère qu’elle nous fait considérer les traits essentiels que tous les hommes ont en partage en dépit de l’inégale valeur des civilisations les unes avec les autres. Seulement l’aventure humaine ou plutôt l’homme n’est pas la seule merveille que propose, et pour une modique somme, la littérature. Elle est le royaume de la festivité et de la noblesse de la langue. Aussi, soient-ils gais et frais, sévères et graves, les mots, bien choisis, tels que coulés dans la geste littéraire, rarement suggèrent des émotions de travers. Au contraire ils font jaillir, chez les belles âmes surtout, des réactions que seuls savent décrire ceux qui ont la capacité rare de nommer l’ineffable.Quel pouvoir, ces mots !

La littérature à la quelle on goûte tient beaucoup à notre façon d’envisager le monde, la vie ; elle tient également aux interrogations qui nous animent…En butinant tel des abeilles, nous allons vers ces livres qui semblent corroborer nos points de vue, ou qui semblent apporter des éléments de réponses à nos interrogations. Nous allons vers des livres qui assouvissent notre curiosité à l’égard de tant et tant de choses que nous amène le désir de connaitre, le désir de l’ailleurs. Nous allons, pour ceux qui aiment le grand air et le large vers ces écrits qui renouvellent l’air vicié des choses et des situations que nous connaissons trop bien. La nouveauté, en effet, même servie par les livres a quelque chose d’enrichissant, de rafraichissant, de vital. Eh, n'oublions pas! la littérature est avant tout un art, elle a comme les autres arts, le souci du beau. Toutes ces choses évoquées nous mènent certes vers les livres, mais la magie est encore plus forte lorsqu'elles sont présentées avec une langue qui les sublime et leur enlève leur banalité.
Pour revenir à moi, n’oublions pas, il s’agit de causer et non de gloser, c’est presque âgé de sept ans que je sus lire à peu près correctement. Je le sus quand j’achevai la lecture de mon livre d’école. La lecture, tant elle fit sur moi une forte impression de voyage, m’apprivoisa sans difficulté, la passion qu’elle m’inspira m’ayant mis dans des dispositions qui favorisaient le relâchement et la confiance qu’on observe dans les grandes amitiés. Après avoir lu les contes et légendes de la brousse et de la savane, les contes de Disney et bien d’autres choses dont raffolent les tous petits, comme j’habitais une maison où les livres ne demandaient qu’à être ouverts, je m’épris pour une partie de l’histoire du Moyen-âge. Ce n’était pas de la littérature certes, mais mon plaisir tenait aux histoires des personnages que j’y rencontrais. Les mérovingiens, les carolingiens, Goths, les Ostrogoths, les Wisigoths, les Lombards et les Vandales me devinrent familier, Pépin le Bref, rien que pour son nom me plut plus que son fils Charles. Louis le pieux, fils de Charles, me plut aussi pour les mêmes raisons. Ces noms affublés d’un adjectif plus ou moins honorable les rendaient inoubliables à mon esprit encore frais. Berthe aux grands pieds ! Je ne les ai jamais oubliés. Ces lectures me déniaisaient, elles me donnèrent une profonde conscience de l’ancienneté de l’aventure humaine et de la différence des expériences humaines selon les époques. Elles m’inspirèrent les questions qui sans doute agaçaient mon pauvre père qui les accueillait toujours avec beaucoup de patience. C’était le début de notre amitié. Il avait des atlas, des livres d’histoires et pleins de « Cahiers congolais d’anthropologie et d’histoire », d’autres gros livres dont je n’imaginais pas lire les auteurs quelques années après.

En prenant de l’âge, c’en fut fini de mon amitié avec la littérature historique. L’école, dont je me foutais pas mal au début, me rattrapa. Je devins assidu dans mes études et je consacrai moins de temps à la lecture.
Cunctator.

mardi 1 mai 2012

Les immigrés de France, proies faciles de politiques en mal de propositions.


Cible d’attaques vigoureuses et honteuses du président sortant qui avait décidé de virer à droite toute dès sa pré-campagne,les immigrés sont devenus le problème majeur de la France. A-t-elle une croissance nulle, un chômage élevé, des logements rares, un système d’enseignement à double vitesse, une fracture sociale si grave qu’elle brise les fondements de la République ? plutôt que de chercher des solutions et de fonder sa réélection sur sa façon de s’attaquer à ces difficultés, M. Sarkozy, séduit par les thématiques préférées de l’extrême droite, de sorte qu’après le premier tour où Mme Le Pen, est arrivée en troisième position avec près de 20% des suffrages, ne s’est pas embarrassé du courage par lequel on reconnait les véritables républicains, debout face à l’insoutenable et préférant mourir que se parjurer, préférant donner l’exemple de l’encrage de l’idéal républicain dont il deviennent pour la postérité des parangons. Après le premier tour, M. Sarkozy plus opportuniste que républicain, a préféré continuer d’appeler à danser la farandole sur l’air de la xénophobie et de la peur de l’autre, se risquant même à voir la République étinceler de ses nobles feux sur le Front National, autorisé à se présenter. La postérité n’a pas souvenir de ceux qui transigent avec l’abject et le nauséabond, l’histoire les jette dans ses égouts, Hugo souhaitait qu’elle ne s’en souvint même plus: « Et que l’histoire un jour ne s’en rende compte, /Et dise en le voyant dans la fange étendu:/ - On ne sait ce que c’est. C’est quelque vielle honte/ Dont le nom s’est perdu ! - »


Etles immigrés dans tout cela ? Inaudibles ! Il parait qu’ils seplaignent de ne pas être assez vus ou entendus. Bien voila l’occasion, M. Sarkozypasse son temps à leur faire une mauvaise publicité, les réduisant à une bande de miséreux que la généreuse France recueille et nourrit, mais qui mange tout son pain, si bien qu’il n’en reste plus pour les Français et les véritables Français. C’est bien lui à Grenoble en 2010 qui avait parlé de Français de souche, oubliant lui-même qu’il n’en n’est pas, dût-il en exister.


Humiliés, offensés, objet des regards torves des imbéciles adhérant aux thèses racistes, discriminés et traités sans dignité dans les préfectures, les immigrés restent pourtant silencieux. Pas une fois pendant la campagne une association, un collectif n’a appelé à une manifestation pour faire entendre leur l’indignation. Pour être respectés il ne faut pas, lorsque ça devient nécessaire, hésiter à démontrer sa force. Tant que les immigrés accepteront, parce que sans doute ils ont la passion de l’humiliation, de courber l’échine face aux attaques sordides que seule justifie leur posture de proie facile, ils ne gagneront pas le respect qu’ils méritent depuis leur présence aux côtés des « vrais Français » dans des moments décisifs de l’histoire pas si lointaine de la France, devenue leur histoire commune. A la France qu’on dit grande et noble de savoir se montrer polie et reconnaissante envers ses amis. N’est pas ami de la France qui veut donner d’elle et des Français une image de peuple fermé et reclus sur soi-même.


Pour revenir à vous chers immigrés, soyez dignes, et exprimez-vous ! On dit que vous ruinez la France, exigez des comptes ! Et si c’était vrai, assumez. Mais c’est faux, on le sait, que n’exigez-vous des excuses ? Vous êtes autant citoyens que les autres et au même titre qu’eux, vous œuvrez au bien-être de la France.


Ne pas agir dans de telles circonstances confirmerait votre faiblesse et votre lâcheté ; se laisser marcher dessus, raser les murs et ne pas regarder les gens franchement est le propre des faibles. Pourtant, jamais les immigrés de France n’osent agir en vue de changer les rapports de force. A quoi leur ont servi les études qu’ils ont faites avec passion, surmontant les difficultés administratives et financières, faisant preuve de courge et de détermination. Ça grouille de docteurs ès machin, de médecins, d’ingénieurs, mais paradoxalement, on a la forte impression qu’ils n’ont pas beaucoup d’appétence pour le débat malgré les formations de haut niveau que nombreux d’entre eux ont reçues. Ils n’ont pourtant pas à craindre des potentats à la main lourde de leurs régions d’origine, nous sommes ici en république. Sortez donc du bois et faites vous entendre.



Cunctator

samedi 14 avril 2012

Les Africains gagneraient à méditer le naturaliste britannique, Charles Darwin.

La paix perpétuelle est une idée du philosophe allemand Emmanuel Kant. De lui aussi, l’idée d’une union harmonieuse des Etats fédérés sur toute la terre. Déduction naturelle de la foi de ce philosophe en la perfectibilité de l’homme. La S.d.n (Société des nations), qui fédère la majorité des Etats existants, est à relier à l’utopie de Kant. Mais, l’harmonie universelle et la paix perpétuelle, il est à craindre, ne sont pas de ce monde. Parce que l’humanité originelle est imparfaite; que l’homme soit perfectible ne signifie donc pas qu’on peut en faire un être parfait. Jusqu’au bout, il sera un être limité. Jusqu’au bout, la cupidité, la convoitise, l’ambition, la violence qui est le moyen de réalisation de ces vices. Jusqu’au bout, en dépit du contrat social de Thomas Hobbes ou de Jean-Jacques Rousseau, l’homme sera un loup pour l’homme.
Jusqu’au bout, l’Etat cosmopolitique dont avait rêvé Emmanuel Kant sera habité par des loups à qui la culture et la civilisation ne feront pas perdre leur nature de loup. Toujours, le plus fort s’adjugera la meilleure part. «Primam partem tollo, quoniam nominor leo» (Je prends la plus belle (la première) part, parce que je m’appelle lion). Les choses étant ainsi, projeter, pour l’Afrique noire insouciante et vivant dans l’instant, un avenir vivable, c’est se bercer d’illusion. A moins que, par miracle, les puissants, les Etats industrialisés qui ont tous les moyens de s’imposer par la force, ne deviennent des agneaux. Les puissants voudront devenir toujours plus puissants, au détriment des faibles toujours plus faibles au contact des plus puissants qui vivent de l’exploitation des faibles dont, par la ruse, la malice ou, tout simplement, la violence, ils ne tolèreront pas qu’ils cherchent à grandir.Du fait de son niveau technique dérisoire couplé à une gestion politique des plus désordonnées, l’Afrique noire, en dépit de son potentiel économique fabuleux, se range parmi les faibles et les très faibles. Les puissants savent qu’un réveil intellectuel et culturel de l’Afrique noire (la seule chose à partir de quoi l’homme individu ou collectivité invente son avenir) changerait la face de la terre, conduirait à un réaménagement des apports entre Nations; réaménagement des rapports qui ne serait pas sans risque, même pour certaines des plus grandes puissances.
Puisque, déniaisée, cette Afrique-là ne s’en laisserait plus compter; puisqu’elle aurait, comme les puissants qui l’oppriment, aujourd’hui et l’exploitent, les moyens de proférer des menaces et même de passer à l’acte. Elle serait devenue un loup, à son tour. Un loup respectable dont la respectabilité viendrait du fait qu’elle serait devenue capable de rendre coup pour coup. A la peur de répondre par la peur, à la violence par la violence. Seulement, il faut beaucoup de sérieux pour se hisser à ce niveau de respectabilité. Or, l’Afrique n’est pas sérieuse. Au commencement de la puissance des puissants, une prise de conscience du caractère inéluctable de la lutte, si on veut s’imposer, ou même seulement éviter d’être classé parmi les nuls. Longtemps moquée et tournée en dérision par l’Occident de la grande industrie, la montée en puissance aujourd’hui de l’Asie s’explique ainsi. L’Asie a compris qu’il faut commencer par la formation intellectuelle et, ayant atteint le niveau intellectuel de l’Occident (sciences et technologie), elle est sortie du rang des nuls.
L’impulsion donnée à la production culturelle et intellectuelle a fait de l’Asie un partenaire respectable de l’orgueilleux Occident. A la formation des cerveaux, elle a ajouté la discipline dans la gestion du politique. Hier encore à peine mieux notée que l’Afrique noire, elle talonne et menace, aujourd’hui, la puissante et orgueilleuse Europe. Il ne reste plus dans les rangs des nuls que l’Afrique noire. Naïve, celle-ci attend de l’Europe et de l’Asie une pensée fraternelle et désintéressée qui l’aide à se mettre en selle pour, à fond de train, rejoindre le peloton de tête. Mais ceux qui sont en tête du peloton y sont à la force du poignet. Si l’Afrique noire veut les rejoindre, elle devra se battre et utiliser les mêmes moyens que ceux-là qu’elle ambitionne d’égaler: un fond d’orgueil suffisant, de l’ambition, la volonté de puissance, qui ne vont pas sans la vertu de courage, la force disciplinée.
Le naturaliste britannique Charles Darwin, qui posa les bases de la théorie de l’évolution grâce au concept de la sélection naturelle, nous rappelle que les espèces qui ne s’arment pas de ces vertus et de ces qualités s’adaptent mal à des conditions d’existence sans cesse renouvelées, et finissent par périr. Ignorant la compassion, superstitieuse et frivole, ennemie de l’effort et du sacrifice, allongée sur la pente inclinée des plaisirs faciles, et pour en jouir bien disposée à vendre son âme au diable et aux grandes puissances, l’Afrique politique est, à la vérité, la grande ennemie de l’Afrique souffrante sur autorisation de la classe politique, exploitée et humiliée par les puissances industrielles et les multinationales qui se moquent pas mal de la morale et du droit, surtout s’il s’agit des nègres d’Afrique.
Un espoir, cependant, pour l’Afrique: il n’est point de fatalité dans l’Histoire de l’homme. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’oser intelligemment. Aussi loin qu’il m’en souvienne, l’Afrique n’a jamais osé. Or, individu ou collectivité, rien de grand et de mémorable n’est possible sans une intelligente et prudente audace. Une telle audace intelligente et prudente peut venir à bout du désordre politique qui, en Afrique, a pris le visage de la fatalité. Une audace intelligente et l’amour de l’Afrique qui manque tant aux dirigeants africains, c’est tout ce qu’il faudrait pour que commence une aventure africaine qui aurait toutes les chances de se terminer bien. La vie, dit le proverbe, sourit aux audacieux.
Dominique Ngoie-Ngalla

jeudi 29 mars 2012

Le défi de l’Afrique au monde peut surgir de la méditation de l’histoire de la traite des Noirs


Le retour, pour s’en nourrir, de l’Occident post-médiéval aux valeurs de la Grèce et de la Rome antiques fut, pour l’épanouissement intellectuel et l’essor de la civilisation de cette région du monde, un haut moment de l’histoire de l’humanité. Poussées en pleine lumière par la sagacité des humanistes, Rome et Athènes deviennent, dans tous les aspects de la réalité sociale, le socle sur lequel allait bientôt s’élever la prestigieuse civilisation de l’Occident européen. La Renaissance, depuis, n’a jamais cessé de faire rêver le monde entier. Tous les pays désireux de retrouver du tonus et de la vigueur méditent son exemple. S’inspirant des humanistes de la Renaissance (XVème – XVIème siècles), une certaine élite négro-africaine désireuse de sortir son pays de l’ornière, travaille, à son retour, non bien sûr à la Rome et la Athènes antiques, ce serait prendre le chemin de l’aliénation, mais aux valeurs de civilisation de l’Egypte pharaonique, d’après les égyptologues africains, œuvre de ces Noirs depuis migrés au Sud du Sahara.

Seulement, entre la situation des humanistes de la Renaissance et l’élite africaine fascinée par l’Egypte pharaonique sur le retour aux valeurs de laquelle elle fait reposer l’espoir du développement de l’Afrique, il existe des différences de détail, certes, mais déterminantes: les hommes de l’Antiquité gréco-romaine et les humanistes de la Renaissance relèvent d’un même groupe humain (d’une même race comme on disait encore hier), tous des Blancs installés sur un même espace géographique.Deux facteurs aux influences décisives dans les communications entre les différentes composantes sociales et culturelles de cet espace et le maintien de leurs contacts à travers le temps. Ce qui est loin d’être le cas des Négro-africains dans leurs rapports avec l’Egypte dont d’ailleurs, nous sommes loin de savoir avec exactitude, si, comme on l’affirme, ils étaient effectivement les aborigènes de ce pays, avant de gagner le Sud du Sahara où ils sont solidement installés.

Au Vème siècle avant notre ère, Hérodote, qui avait séjourné en Egypte, affirme, certes, que les habitants de ce pays ont la peau noire, «melaïnes» en grec. Seulement, s’agissant de pigmentation, le Noir ici peut n’être, pour l’historien grec, qu’un simple dégradé de la couleur blanche, de l’épiderme des Grecs, blonds aux yeux bleus comme Ménélas, en comparaison de laquelle la couleur brique cuite et foncée de l’épiderme des Fellah et des Berbères bronzés depuis leur naissance lui parut noire; en tout cas tirant plus sur le noir que sur le blanc? Dans ce cas, s’il avait été, non pas Grec, mais Latin, Hérodote aurait dit des Egyptiens qu’ils étaient «Adusti», bronzés. Et puis, habitants autrefois de l’Egypte, comment expliquer qu’aujourd’hui, il n’en reste plus aucun, les Noirs qu’on y rencontre, dans tout le reste du Maghreb aussi bien, étant les descendants des esclaves que, à partir du VIIIème siècle, les Arabes s’en vinrent acheter au Sud du Sahara, ou dans les pays du Sahel?

Une difficulté épistémologique surgit, lorsqu’on cherche à établir, avec exactitude, l’existence d’un lien historique, physique et culturel entre les Bantu d’Afrique centrale et australe et les peuples de l’Egypte pharaonique, dans le but, en faisant de ces peuples prestigieux les ancêtres des Bantu et de tous les Noirs d’Afrique, de susciter, dans leurs cœurs et leurs esprits, fierté et enthousiasme créateurs, comme il arriva chez les Renaissants, lorsqu’ils eurent retrouvé Rome et Athènes, socle indispensable à la reconstruction de la personnalité de l’homme noir, fragmentée, émiettée dans la longue traversée d’une histoire difficile. Mais, pertinent pour les égyptologues africains et les petits cercles qui naissent autour d’eux, le lien de l’Afrique au Sud du Sahara avec l’Egypte des merveilles est loin de l’être, en dehors des cercles savants. Et on voit mal que le faible intérêt que, dubitatif, le grand public accorde à la culture et à la civilisation de l’Egypte pharaonique devienne, demain, le levier du développement de l’Afrique, à l’exemple de l’Occident épanoui au contact vivant avec son passé ancien, sans recherches laborieuses, reconstitué: Athènes et Rome dont personne en Occident ne douta qu’elles furent la maison de leurs ancêtres.


En tout cas, la thèse de la participation de l’Afrique bantu et du Sahel à la construction de la civilisation de l’Egypte pharaonique me laisse sceptique. En quoi nos ancêtres se seraient élevés aussi haut dans l’ordre de l’intelligence de la science et la technique, il y a aujourd’hui six mille ans et il n’en est rien resté dans la mémoire collective: contes, mythes, légendes? Le mythe surtout prompt à se saisir de tout, fait sortant de la quotidienneté, pour y broder afin que la poésie et la magie de sa langue le gravent dans la mémoire des générations successives. Mais, est-il hérétique de penser que, pour s’éveiller à la conscience tonifiante du tragique de son destin, et ainsi se résoudre à se (re)construire, le retour de l’Afrique à l’Egypte pharaonique n’est pas nécessaire; qu’il est juste utile pour l’élargissement des bases de notre culture générale? Pour susciter en nous l’émotion et la révolte, dans notre situation, nécessaire à l’éveil en nous de l’esprit d’initiative et d’innovation, la rencontre méditée avec notre passé de ténèbres pourrait suffire. Par delà la colonisation, remonter à la traite des Nègres. Il existe, aujourd’hui, de très bons films qui en restituent, de façon admirable, l’ambiance et l’atmosphère favorables à la révolte créatrice: l’effet de contraste saisissant produit par la cruauté barbare des négriers, d’un côté, et même lorsqu’ils entrent en révolte et en rébellion, la noblesse des esclaves drapés dans leur dignité bafouée sont tonifiants pour ceux qui ont encore quelque chose dans les tripes. Kunta-Kinte est inoubliable; et combien d’autres comme lui, héros obscurs qui fouetteraient comme lui, nos courages et réveilleraient nos volontés dormantes pour créer, chacun selon son talent, et en toutes les disciplines, ces choses grandes et belles; celles-là même que les Egyptologues africains croient impossibles sans un retour aux valeurs de l’Egypte ancienne retrouvées.


Et puis, le retour aux valeurs de culture de l’Egypte pharaonique comme chance à saisir pour enraciner l’élan créateur des Africains est malheureusement prôné à un moment de l’histoire saturé de prouesses scientifiques et techniques en comparaison desquelles les audaces scientifiques et techniques de l’Egypte ancienne sont des balbutiements.L’obstination des Africains à vouloir reprendre le chemin de l’Egypte obéit peut-être à un autre souci que celui du progrès et du développement. Sur un mouvement d’humeur bien stérile, se démarquer, à tout prix, du reste du monde et des autres groupes humains! Il n’est pas imprudent de penser que seul un lien lucide et médité, avec notre histoire connue et connaissable, peut remettre l’Afrique dans la posture de sujet, cessant d’être celui qui subit pour devenir celui qui prend des initiatives. Aux Etats-Unis d’Amérique, il est constant que, lorsqu’il arrive que le hasard les place dans des conditions d’existence relativement bonnes, les descendants des esclaves noirs émergent pour atteindre un niveau de conscience qui fait d’eux des Américains qui, comme les meilleurs Américains blancs, travaillent à la grandeur de l’Amérique. Il n’y a pas de raison qu’en Afrique, les descendants des vendeurs d’esclaves ne fassent pas aussi bien, si on améliore les conditions de vie du cul de basse fosse où les maintiennent les dirigeants de leurs pays.


Dominique Ngoïe-Ngalla.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.