lundi 22 août 2011

Kinshasa proteste contre des conditions de vie néolithiques: la marche des bougies

Appelés à manifester leur mécontentement face aux coupures intempestives d’électricité et aux délestages qui aggravent davantage leurs conditions de vie déja difficiles, les kinois vont marcher dans les rues de kinshasa, qui pour l’occasion, faute d’électricité, seront éclairées par une lumière de fortune : les bougies que porteront les kinois. Ces bougies ne vont pas seulement pallier un défaut d’éclairage, mais elles symbolisent surtout la colère des populations, depuis un moment privées d’électricité, contre ces conditions de vie d’un autre âge. L’appel à la manifestation citoyenne lancé via Facebook et des sms est le fait de l’association SOS Kinshasa qui milite pour l’amélioration de la vie des kinois. Espérons que comme ailleurs la mobilisation sera forte. Comment douter qu’elle ne le soit pas ? Vivant depuis plus de deux décennies dans des conditions sociales médiocres pour la majorité d’entre eux, et réduits à la débrouille pour la survie au quotidien, on aurait cru les kinois, soit par courage, soit par lassitude, résignés à subir leur malheureux sort. Mais seulement, même armé de patience, il est difficile de rester longtemps stoïque devant une absence prolongée d’électricité en ce siècle où il n’est pas possible, même dans l’Afrique sous-développée, de vivre décemment sans énergie électrique tant cette dernière est indispensable non seulement pour faire fonctionner les outils propres à l’ère de l’information, mais surtout pour la préparation et la conservation des aliments. Déjà pauvres, Les populations, privées d’électricité, donc de moyens de conservation d’aliments périssables, sont contraintes de se les procurer au jour le jour ; ce qui revient nettement plus cher que si elles faisaient des provisions. Comment en faire sans pouvoir les conserver ? La sensation agréable que procure une boisson bien fraiche dans ce pays ou la bière est appréciée et où les températures peuvent atteindre 40°C, est devenue tellement rare, qu’une bière ou un soda frais bus chez vous ou dans un débit de boisson vous procurent une joie ineffable…

Brazzaville, la sœur voisine de Kinshasa connait la même situation, et depuis plus longtemps. En effet depuis plus d’une dizaine d’années les brazzavillois sont privés d’électricité et d’eau courante. En dehors du centre ville et de quelques grandes avenues éclairés en permanence, les quartiers de Brazzaville ressemblent à de gros villages non électrifiés. Comme à Kinshasa, ceux qui peuvent, se procurent des groupes électrogènes. Mais combien sont-ils ? Et quel bruit ! Quatorze ans, voire plus, sans eau courante, est-ce normal, ou les congolais marchent-ils sur la tête ? Contrairement aux kinois, les brazzavillois ruminent leur colère, ils ne la laissent pas éclater. Seraient-ils devenus des disciples du sage et patient Socrate que nous décrit Platon ? Loin de là, il manque seulement aux congolais de Brazzaville des relais de mobilisation ; il manque aux congolais de Brazzaville le courage de réclamer un mieux vivre ; il manque aux congolais de Brazzaville la volonté de se faire entendre. Comment cependant expliquer cette torpeur elle-même aussi coupable que l’immobilisme ou la paresse d’un exécutif, qui n’oublie pas par cependant de collecter les taxes de toutes sortes et dont la mission, pourtant assumée dans de beaux discours, est de fournir l’infrastructure indispensable à une société moderne et en marche vers le progrès.

Contrairement à leurs voisins traumatisés par la menace permanente de la brutalité militaire, Fatigués d’être constamment ramenés en arrière depuis les indépendances qu’ils avaient accueillies comme source de progrès et d’émancipation, les kinois ont décidé non pas de casser, mais de s’indigner pacifiquement à la lumière des bougies et au son des casseroles. Il est plus que temps de montrer leur rage trop longtemps contenue aux dirigeants étranges et grossiers, qui ne travaillent qu’à assurer leur progrès et leur épanouissement propres.

Cunctator.

mardi 16 août 2011

Afrique: le marxisme et le socialisme, était-ce la solution, était-ce le moment?


Au regard de l’ampleur des ravages, la réponse est bien entendu non. Et les raisons de ce rejet ? Elles sont essentiellement d’ordre anthropologique. Le marxisme et le socialisme avec leur horreur des rapports d’inégalité et de domination de l’Etat capitaliste, faisaient irruption dans des sociétés dont le mode d’organisation fondé sur la soumission consentie des cadets aux ainés, n’était pas celui de l’Etat que combat l’idéologie marxiste. À moins d’appeler Etat, même occupant des territoires de grande étendue, des formes plutôt parentales de gestion du pouvoir, où le lien de sang est déterminant ; où l’autonomisation du politique est loin d’être nette. Ce que, aux XVe-XVIe siècle dans le bassin du Congo, sur des fondements analogiques, les voyageurs Européens s’étaient dépêchés d’appeler royaumes ou empires, n’était en fait que des aires culturelles aux composantes ethnolinguistiques liées par une grande proximité : coutume, codes sociaux, obéissant, hors institutions politiques contraignantes et vraiment formalisées, à un notable dont la légitimité ne reposait que sur le poids d’une longue tradition et des mythes habilement exploités. Ce notable incarne l’unité, longtemps uniquement culturelle, par la suite politique, de l’aire culturelle. Son intention et son désir d’intégration politique de l’ensemble se heurtent à l’absence de moyens logistiques : corps de fonctionnaires spécialisé, police, armée de métier, l’écriture et l’incontournable bureaucratie qui n’a pas que des vices. Cela fait que, hors le petit canton où ce mfumu nsi (le chef) a établi sa capitale, en fonction de la distance géographique qui le sépare de ce chef, chacun en fait à sa tête.

Les groupes lignagers les plus en vue et les plus puissants dont il a fait ses représentants locaux, jouissent d’une grande autonomie, de sorte qu’ils redoutent plus les populations sur lesquelles il sont sensés exercer leur contrôle que ce trop lointain roi. Tels nous apparaissent les royaumes et les empires africains précoloniaux, du moins les royaumes de Kongo, de Loango et de Mukoko du bassin du Kongo, et plus loin l’empire Luba-Lunda. Ils amorcent certes des évolutions entre le XVIe et le XVII è siècle sous l’impulsion des marchands Européens, mais pour l’essentiel ces formations politiques resteront des formations pré-étatiques. L’absence d’écriture fut ici décisive. La durée de la colonisation fut trop courte pour donner aux colonisés le sens de l’Etat. et cela pèsera lourd dans l’évolution politique et sociale de ces colonies une fois devenues indépendantes. Le défaut d’une tradition du sens de l’Etat et de ses exigences constitue un terrible handicape dans l’aspiration de l’Afrique noire à se moderniser.

La mauvaise lecture qu’elles feront des idéologies politiques venues d’Europe, capitalisme ou marxisme, les conduira tout droit à la confusion et au désordre. De ce point de vue, la différence qui sépare l’Asie et l’Afrique noire postcoloniales explique le contraste des évolutions sociologiques entre les deux continents. un demi-siècle à peine après que l’Europe s’en soit retirée comme puissance coloniale de domination et d’exploitation, l’Asie talonne l’Europe et l’occident ; en devient même, au fil des années, un concurrent inquiétant. Pendant ce temps, pourtant libérée du joug colonial presque aux même dates que l’Asie, l’Afrique noire en est toujours aux balbutiements et au tâtonnements brouillons. Et même dans bien des secteurs de la réalité sociale, montre d’inquiétantes régressions. C'est que, pour expliquer les prouesses des Asiatiques, sans en excepter un seul, l’Etat comme organe d’intégration sociale, et coordonnateur de tous les processus sociaux, est réalité ancienne en Asie. Il y apparait des millénaires avant que, au XIXe siècle, l’occident lui impose sa domination. Cela fait que, confrontées à l’urgence de la modernisation de la société, l’Afrique noire et l’Asie ne disposent pas des mêmes atouts pour y accéder. Une différence radicale de mentalités et de visions du monde les séparent. C’est ainsi que le marxisme auquel l’Asie et l’Afrique adhèrent toutes deux comme moyen de transformation sociale a des résultats contrastés dans les deux continents. Si en cinquante ans, grâce au marxisme, non sans violences inutiles regrettables, la Chine par exemple est parvenue à se hisser aux sommets de la civilisation industrielle, en revanche le même marxisme sur lequel s’était appuyé la Chine a précipité l’Afrique dans un cul de basse fosse où elle barbote dans une misère noire, pire souvent à celle où l’avait jetée la colonisation.

Les facteurs et les raisons de la misère politique africaine :

Au moment de leur accession à l’indépendance si, en Asie outre le bénéfice d’une tradition de l’Etat, ceux qui engagent le combat de la modernisation et du développement sont pour la plupart gens d’une solide formation intellectuelle et morale, à quoi s’ajoute le sens de la responsabilité et de l’engagement et une longue tradition nationaliste, en Afrique en revanche, se proposent au combat du développement des blanc becs souvent mal-élevés, qui ignorent tout d’une nation et de l’Etat confondus à leur village, parce que l’Etat et la nation n’avaient jamais existé dans leur société. Ils sont parfois, certes, bardés de diplômes universitaires, mais cela suffisait-il pour produire les hommes politiques qu’exigeait l’Afrique post-indépendante? Il leur manqua une lecture lucide de la situation Ils ne pouvaient l’avoir c’étaient tous des hommes nouveaux que ne portait aucune tradition de la gestion de l’Etat moderne. Ce furent de petites intelligences politiques qui se rabougrirent progressivement sous la pression des groupes d’appartenance, dont l’agitation fébrile permanente produisit du désordre plus que l’ordre postulé.

Ce grave handicap allait limiter les capacités de nos révolutionnaires à la copie servile et inefficace d’un modèle social d’importation. Il leur aura manqué, il faut le souligner, l’intelligence de se demander si la superposition à leur culture du schéma marxiste et socialiste, inventé pour d’autres sociétés dans des contextes historiques précis, serait productrice de sens et aiderait les Africains à se réinventer. Il nous fallait d'abord régler le problème de notre rapport au néolithique dont les imedimenta nous empêchent d'avancer.


jeudi 4 août 2011

Propos sur les imbéciles

Imbécile ! J’ai souvent entendu une personne s’exclamer de la sorte, exaspérée de l’attitude désespérante de son fils. La façon qu’elle avait de prononcer ce mot, opérant une section nette après la première syllabe, renforçait non seulement sa sonorité, mais aussi sa charge. En effet, enfant, je me suis souvent entendu traiter d’imbécile. Et je n’ai jamais oublié l’air de dépit que prenait la personne qui prononçait ce mot, qui était, ce me semble, pour lui le mot le plus approprié pour caractériser la bêtise dans son aspect méprisable. C’était il y a bien longtemps. Depuis je n’ai pas oublié ce mot, ou plutôt il m’est devenu familier. Mais ce n’est cependant qu’à la lecture d’un recueil d’essais cinglants de Bernanos (La liberté pour quoi faire) dans lequel il traite entre autre des misères (morales et intellectuelles) des hommes de son temps qu’il affuble à souhait de l’épithète « imbéciles », que j’ai mesuré, longtemps après avoir été désigné comme tel, à quel point un imbécile pouvait exaspérer et surtout faire pitié. Quelle misère que de se complaire de son imbécilité !

Qu’est donc un imbécile selon la façon dont j’entends ce mot ? En imbécile de premier ordre, je prie chaque jour le Seigneur de me retirer un peu de cette pesanteur qui m’empêche d’être un homme, c’est à dire, si l’on s’en tient aux enseignements des sages les plus illustres de Confucius à Socrate, de Socrate à Jésus-Christ, cet homme qui tente se débarrasser de tout ce qui, telle une gangue, recouvre les pièces précieuses dont il est fait. En effet la sagesse chinoise, la philosophie et le christianisme n’enseignent guère autre chose à l’homme que de rechercher sa nature noble et aimante et à se conformer à elle. Mais seulement, devenir sage, ou simplement rechercher la sagesse, entreprises peu aisées en soi en ce qu’elles exigent courage, abnégation et persévérance, est plus difficile encore quand on est un imbécile. Je nomme imbécile toute personne qui se prend pour la perfection même. Que rechercherait-elle la sagesse, elle l’a déjà. N’entrent donc pas dans ma catégorie d’imbéciles tous ceux qu’on pourrait à priori y jeter : les simplets et toutes les personnes peu douées intellectuellement notamment. Loin de m’énerver leur simplicité, leur gaucherie et leur ingénuité, au contraire, m’inspirent une sorte de tendresse qui me fait excuser leur faiblesse involontaire. Non ce n’est pas d’eux dont il s’agit ici, ces désavantagés dont certains poètes préfèrent la compagnie et la symbolique à celles de ceux qui savent, mais qui malheureusement, trop peu habités par leur science, ne savent que maladroitement et de façon utilitariste sans jamais être transformés par leurs impressionnants savoirs. Ce sont eux les vrais imbéciles. Tellement épais que même une quantité importante de savoir, difficilement conquis par nos anciens, n’arrive pas à leur sculpter une personnalité plus agréable et moins baroque.

Parmi les bienfaits dont l’intelligence orne ceux qui ont le privilège d’en être dotés, l’amour des hommes, aux côtés duquel se tient presque toujours une simplicité aussi grande que l’étendue de leur sapience, est sans doute le plus remarquable. L’imbécilité quant à elle, lors même qu'elle atteint une personne capable de déchiffrer les problèmes mathématiques les moins accessibles, ne manquera pas de truffer cette dernière de complexes tous aussi énormes que sa sagacité. Pour peu que les connaissances de l'imbécile soient sanctionnées par un diplôme élevé, vous aurez l’impression d’avoir affaire à Sa Sainteté le pape en personne. L’imbécile titulaire de ce parchemin se croira ainsi détenteur d’un titre qui lui donne une valeur ajoutée en termes non pas d'employabilité, mais d'humanité; il se croira devenu un être supérieur. En effet l’imbécile, qui vénère l’intelligence dans son acception vulgaire et capitaliste (plus on est doué intellectuellement plus on a la chance de franchir les paliers de sanction des capacités et des aptitudes et de devenir au bout du compte quelqu’un dans une vie qui place les revenus au dessus de la hiérarchie des valeurs humaines) la mesure à l’aune de ses diplômes. Plus il sera diplômé, plus il sera pénible et puant, plus il s’enfoncera dans cet orgueil idiot qui caractérise les imbéciles savants. Vous voulez voir des imbéciles savants ? Ce n’est pas aussi rare qu’un singe savant. Cette espèce n’a jamais autant proliféré qu’en ce siècle où plus que d’autres sont remplies les conditions de son essor. Remisez l’esprit critique dans les placards de la pensée, ignorez la diversité et la complexité pour réduire tous les hommes sous le même rapport, assignez à ce dernier la seule tâche de consommer et simplifiez la réflexion en servant du prêt à penser, vous aurez des imbéciles par millions.



Cunctator

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.