jeudi 20 octobre 2011

Grandeur et misère des dictateurs: le rideau se ferme pour Kadhafi


Peu de dirigeants brutaux, finalement, quittent le pouvoir par des voies honorables. Les acteurs du grand banditisme, hormis ceux qui réussissent à s’évanouir dans la nature, ont malheureusement peu de choix quant à leur manière de se retirer. C’est sans doute la rançon du moyen d’accéder au bonheur qu’ils se sont choisis : semer la tristesse et la désolation autour d’eux et même plus loin. Ils ont volé, pillé, assassiné, méprisé la justice, brefs ils ont causé le malheur de tant et tant de leurs semblables qu’on a l’impression que ces diables qui se prennent pour des dieux – cette impression leur est donnée par le sentiment de toute puissance que leur procure le pouvoir temporel qu’ils ne partagent avec personne - oublient qu’ils sont aussi périssables que les misérables qu’ils tiennent à leur merci. Ainsi ces bandits, politiques et tous ceux qui entretiennent des rapports de haute indélicatesse avec les lois pénales qui punissent des immoralités universellement condamnables finissent soit en exil, en prison ou sont tués quand, récalcitrants, grisés par de nombreuses années d’exercice d’un pouvoir égoïste et brutal, ils n’écoutent pas les décrets qui décident de leur chute.

Ainsi a fini le colonel Mouammar Kadhafi. le dictateur Libyen, dont on ne raconte plus le règne aux méfaits qui égalent en nuances la palette des peintres les plus gourmands de couleurs pour brosser leurs tableaux, a été tué aujourd'hui. Le congolais Marcel Gothène, parce que l’imaginer peint par Rubens lui donnerait trop d’éclat, exécuterait bien un portrait tragique de ce personnage bigarré et odieux que tant de gens en Afrique pleurent. Ils regrettent son « panafricanisme », son ardent entrain à moderniser son pays et le reste du continent. D’autres encore voyaient en lui le dernier rempart contre l’impérialisme occidental en marche pour recoloniser l’Afrique qui n’a pas eu assez de cinquante années pour se moderniser et conquérir sa véritable indépendance. Pour ceux-là un héros est mort. Sans blague ! Voila ce qu’il en coûte de s’habituer à voir des clowns bouffis d’orgueils et de complexes déplorables diriger un continent. On perd, si jamais on l’avait déjà acquise, la notion de véritable homme d’Etat. Si l’Afrique, c’est indéniable, a eu des héros dans les soldats des indépendances, leurs héritiers se sont montrés médiocres et n’atteignent pas leurs illustres prédécesseurs à la cheville. L’indépendance elle commence avec la dignité. Cette dignité que nous étions sensés retrouver au moment de l’accession à la souveraineté nous a été confisquée par la classe de brigands à laquelle appartenait M. Kadhafi. Par leur inconscience et leur cupidité, même sans le vouloir, ils ont livré l’Afrique à ceux à qui elle essaie d’échapper. Quand on n’a pas la puissance de la Chine ou de la Russie, quand on n’a pas d’alliés capables de défendre ses postions dans les cénacles internationaux, on ne s’amuse pas à braver ce monstre hideux qu’on appelle communauté internationale, on ne se la met pas simplement à dos. Mais le gout du pouvoir fait prendre des risques inespérés. Laurent Gbagbo, non pas qu’il ait été un dictateur comme nombre de ses pairs, malgré sa légitimité, a manqué de stratégie ; il aurait pu finir tué. Mais dans ce cas je me serais indigné.

Cependant M. Kadhafi aurait reçu la mort de ceux-là même qui sont se sont battus pour restaurer justice et dignité en Lybie. Exécution ou échange de tirs ? On n’en sait trop rien. S’il s’agissait d’une exécution, les soldats du CNT seraient alors de biens étranges justiciers. Car exécuter ainsi une personne, fut-elle haïe et honnie de tout un peuple, c’est prolonger l’œuvre de celui qu’ils sont venus chasser. Commencer ainsi une œuvre de justice en se moquant des droits de l’homme qui dans sa dignité a droit à être écouté et condamné, même à mort si dans un pays cette relique barbare à encore cours, m’interroge au sujet des autres actes de barbarie commis au nom de la libération par les rebelles du Comité National de Transition (CNT). Si c’est bien une balle du CNT qui a tué M. Kadhafi, cela montre à quel point ses combattants n’ont point bénéficié d’encadrement politique. De fortes consignes sur le maintien en vie de à son sujet auraient empêché qu’on lui donne la mort, et les Libyens auraient eu un procès bien mérité. Dommage, dans sa défense il aurait livré, on s’en doute, des secrets qui auraient ébranlé des dirigeants qui aujourd’hui organisent une chasse sélective aux dictateurs.


Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.