Acquises ou plutôt accordées à plus du tiers des Etats africains, naturellement fêtées avec éclat et fracas, les indépendances de 1960 sonnaient le glas d'un époque semée de peines et d'humiliations. Etaient annoncé un futur de dignité de liberté, d'égalité et prospérité. concrétisé, en tout cas, pas pour la majorité des pays africains. Malheureusement, A la différence du rêve étonnament actuel des pères de l'indépendance américaine fondé sur des valeurs de liberté et d'individualisme industrieux, dont une belle phrase de Thomas Paine résume l'esprit: "Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes, que tous les hommes naissent égaux, que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur...", le projet des pères des indépendances africaines de bâtir une Afrique indépendante, moderne et dépassant les clivages ethniques s'est très vite cassé la gueule. Le bilan de cinq décennies d'autonomie et de pilotage de l'Afrique par des africains est une catastrophe. En effet, les Etats africains n'ont pas su réaliser ce qu'on devrait en principe attendre de pays libérés d'une colonisation brutale, faite d'exploitation sauvage de leurs richesses et du broyage de leurs populations qu'elle plaçait au rang inférieur de l'échelle de l'humanité.
Les pères des indépendances rêvaient certes d'une Afrique fière et digne, mais leur projet jamais mis à l'oeuvre n'est resté qu'une idée, un voeu pieux. L'Afrique d'aujourd'hui ressemble à une gueule cassée, tellement défigurée qu'on peine à la regarder sans une certaine frayeur et sans ressentir de la pitié Elle n'a pas su se hisser correctement sur les marches de la modernité, et de ce fait laisse penser que les puissances coloniales, soucieuses avant tout d'exploiter des richesses, y ont bâti plus d'infrastructures, de structures sociales et sanitaires en plus grand nombre que certains Etats Indépendants. Echec sur le plan humain également! Au XXIe siècle l’ancien colonisé n'a toujours pas été élevé à la dignité que tout homme mérite, elle est le privilège d'une élite ténue; la culture d’un idéal humain avec tout ce que cela requiert comme valeurs à insuffler ne fait pas partie de l'imaginaire africain actuel, les valeurs sont retournées, d'autres intérêts, sans doute meilleurs, ont pris le dessus. Il est bien de célébrer la liberté, mais il faut savoir demeurer des hommes et des sociétés libres. La liberté fait l’objet d’une conquête de tous les jours, elle implique qu’au niveau d’une nation, qu’on sâche tenir et s'accrocher aux principes qu'on s'était fixés au départ, et non qu'on soit une nation d'hommes déspiritualisés, sans croyances, corruptibles pour deux sous et facilement entrainables dans des forfaits de tous genres, même contre son propre pays. N'ayant pas pu, à force de travail et d'imagination, ériger des sociétés dans lesquelles le minimum de possibilités matérielles, de rigueur spirituelle et intellectuelle, le mental des africains est très peu sorti de la colonisation. L'homme blanc, référence absolue en terme de progrès matériel et de l'esprit y est toujours le petit dieu de la brousse que fût le gouverneur ou tout autre représentant de l'autorité coloniale.
Peu responsables de cet échec, les pères des indépendances,très vite remplacés, n'eurent pas le temps de mettre en place leurs projets pour une Afrique libre. Des jeunes gens inconscients affamés de gloire et de puissance, s'assirent sur ces projets, livrèrent l'Afrique à ses anciens maîtres et ne souhaitaient que s'en tenir au rôle de procurateurs ou de gouverneurs passifs, grassement récompensés, laissant des puissances mal-intentionnées agir à leur guise sur une Afrique abondonnée de ses fils irresponsables.
Plusieurs pays illustrent bien ce schéma, mais le cas de la partie la plus mal-en point du continent, l'Afrique Centrale, l'illustre encore mieux. C'est dans cette sous-région que se trouve la République Démocratique du Congo, dont le cinquante de l'indépendance vient d'être célébré (le 30 juin). La république démocratique du Congo qui au moment de son indépendance sortait d'une exploitation des plus sauvages, notamment celle de l'époque de l'Etat indépendant du Congo de Léopold II (1885-1908), avait toutes les bonnes raisons d'affirmer "plus jamais ça" avec la plus grande énergie. Léopold II qui justifie son ambition coloniale dans le bassin du Congo par un but fallacieux et paternaliste: " ouvrir à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’ait point encore pénétré, percer les ténèbres qui enveloppent des populations entières", n'a pour seule but l'exploitation des immenses réserves d'hévéa rendu indispensable par l'invention de la roue pneumatique. Pour ce faire il va se baser sur le modèle d'exploitation sauvage que les hollandais instaurèrent à Java qu'il avait visité quelques année plus tôt. En 1885 au moment de la Conférence de Berlin au cours de laquelle l'Afrique fut découpée sans tenir compte de ses logiques internes, Léopold II obtint le territoire de l'actuel Congo démocratique, colonie qui sera rapidement spécialisée dans l'exploitation de l'hévéa pour la production du latex.
Reproduisant les inhumaines méthodes javanaises. Pour encadrer cette expploitation brutale et des hommes et des arbres, une force publique barbare composée d'hommes congolais et commandée par des officiers belges est mise sur pieds. Elle se caractérise par sa férocité et par l'atrocité des châtiments infligés aux populations congolaises. Tout esclave -c'est ainsi qu'il faudrait appeler les sujets tellements maltraités de Leopold II- ne respectant pas les quotas de latex à fournir avait une main amputée; des camps d'otages où étaient retenus les femmes et enfants des esclaves fugitifs ou récalcitrants étaient des lieux de tous sévices sexuels et autres. Ne comptons même pas les villages brulés, les hommes abattus, un nombre effrayant! Le grand roi aux nôbles affirmation dans les conférences entre occidents confiait à ses émissaires au Congo que: "quand on traite une race composée de canibales depuis des milliers d'années, il est nécessaire d'utiliser les méthodes qui secoueront au mieux leur paresse et leur feront comprendre l'aspect sain du travail". Le crime est tellement grave qu'il donne lieu à d'énergiques campagnes de dénonciation. Sir Arthur Conan Doyle, ayant été au Congo écrira à son sujet que "la colonisation du Congo fut la plus infâme ruée sur un butin ayant jamais défiguré l'histoire de la conscience humaine". Le butin! Il est si riche ce pays qu'il n'a jamais cessé d'attirer des convoitises de loin premières causes de la misère de ses populations.
Cunctator.